L'Empire Ishtar
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 Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.

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Nathaniel Lazarey
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Nathaniel Lazarey

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MessageSujet: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptyVen 20 Jan - 15:21

Les doigts fins de Nathaniel Lazarey couraient le long des fauteuils de velours rouge. Il esquisse un sourire charmeur vers cette fraiche demoiselle qui ramène délicatement ses pieds vers elle pour le laisser passer.

« Excusez-moi... »

Petit toussotement ironique, dernier regard en arrière... Cette fille est vraiment jolie. Des boucles d'ébène encadrent son visage énigmatique, ses lèvres vermeilles sont closes et son regard saphir est fixé sur la scène. Le spectacle semble lui plaire, c'est bien dommage... Elle se contente de peu! Ou sait bien jouer la comédie... Comme toutes les autres elle reste à sa place. Nathaniel n'a pas pu, lui. Avait-on déjà vu une production artistique aussi ennuyeuse? Le jeune homme est déçu, l'Opérâthre ne lui avait jamais fait défaut. Mais qu'importe! Il restait toujours le bar... Le blondinet s'y rendait d'un pas souple et enjoué.

L'entracte n'était prévue que bien plus tard, il n'y avait pas foule dans les couloirs richement ornés du Palais des Arts. Ils étaient tous sagement assis dans leurs fauteuils, faignant un comportement au delà même de l'amabilité. Nate aimait la noblesse d'Ishtar, avec ses faux semblants inutiles et ses manœuvres intrigantes pour obtenir plus de pouvoir ou cacher un secret honteux. Il les trouvait inventifs et divertissants. Les nobles de sa province étaient moins raffinés, beaucoup plus renfermés et vieux jeu. C'était dans ces moments là qu'il regrettait le plus de ne plus faire partie de l'élite de l'Empire. Plus de titres, un nom bafoué dans toute la contrée de Dargon... Nathaniel pousse la porte de l'un des grands salons privés avec un petit soupir de frustration. Il s'imagine en compagnie de ces Ducs Comtesses et Barons, riant de leurs efforts et de leurs espoirs mièvres ou irréalistes. Le terrain de jeu parfait... Mais inaccessible.

C'est avec un sourire désinvolte qu'il s'accoude au somptueux comptoir du salon. Sa frustration n'était que passagère, Nathaniel ne se laisserait jamais abattre pour si peu. Le divertissement est partout, tout comme la mort... Et le jeune homme est très heureux d'être encore en vie. Chez Nate, la satisfaction d'être libre de ses mouvements et de n'avoir rien à perdre prévaut sur tout le reste. Fuir une famille disloquée et n'être attaché à personne comporte certains avantages...

« Bonsoir Grégoire. Vous l'avez finalement reçue cette commande de liqueur de Dargon? »

« Oh, Nate, ça faisait longtemps! Votre petite vieille vous a encore demandé de voir si le nouveau spectacle en vaut la peine? La commande... Non, elle n'est toujours pas arrivée. C'est à cause de la mauvaise météo des provinces du nord je pense. Il faudra encore un mois, peut-être même deux! »

Le barman continue d'essuyer consciencieusement un long verre à pied. Nathaniel laisse un petit moment de flottement s'installer, il profite de ces quelques secondes de silence pour réfléchir avec une moue contrariée.

« Le retard s'accumule... C'est bien dommage de ne pas avoir le statut adéquat pour pouvoir se plaindre! Une petite compensation ne serait pas de refus, surtout après avoir assisté aux premières minutes de cet horrible spectacle... »

Le blondinet soupire, les paupières closes. Il se pince pendant quelques instants le haut de l'arrête du nez, juste en dessous des yeux. Son interlocuteur hoche la tête et se racle la gorge d'un air entendu. Il n'ajoute rien, dans l'attente de prendre la commande de Nate. Ce dernier pianote un instant sur le rebord du comptoir puis tourne lentement la tête vers la personne à quelques mètres de lui, un demi sourire amusé sur les lèvres.

« Et bien..! Laissons le hasard décider. Que me conseillez-vous monsieur? Ne vous retenez surtout pas: je bois de tout. »
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Aristide Torchia
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MessageSujet: Re: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptySam 21 Jan - 14:09

Arrivé depuis quelques semaines à la Capitale, Aristide Torchia, chevalier-philosophe de son état, se cherchait un client puissant et riche. Il a réalisé moult statues, des belles femmes, jusqu'aux formes les plus torturées. De l'Art dans toute sa splendeur d'après l'artiste lui-même, des statues correctement réalisées (mais sans plus) pour un observateur objectif. Aristide n'allait probablement jamais révolutionner la sculpture moderne de l'Empire, contrairement à ce qu'il pensait aisément de lui-même. Mais il faisait du bon boulot. Pas assez grandiose ou spectaculaire pour que la Comtesse d'Heltier ne se précipite sur ses oeuvres, mais il traînait pas mal de temps au Palais des Arts à y dépenser son or et fréquenter des nobles plus puissants que lui.

- Un autre verre de cet excellent vin rouge, mon brave.
"Certainement, sire Torchia."

Ce brave Grégoire connaissait déjà très bien l'artiste et savait de quoi il en retournait : ce n'était pas un homme puissant. Certes, il n'avait guère l'air pauvre, mais son influence à la Capitale était nulle. Encore dépourvu d'amis et de protecteurs, il avait la bonne position de l'homme qui n'a pas encore de camp attitré dans les intrigues et courants de pensée. Ainsi, le barman de la haute société lui adressa un sourire condescendant en coin, avant de remplir le verre en cristal du noble. Vêtu avec beaucoup de soin, ses lunettes sur le nez, Aristide Torchia était un homme mûr aux mouvements qui pouvaient trahir soit un talent de danseur (on en trouvait beaucoup à l'Opérâthre) soit celui des mouvements souples et travaillés que nécessitait en ce bas monde la maîtrise de la magie. Et le chevalier ici présent n'avait rien d'un ecclésiastique.

Exagérant ses mouvements, avec un ridicule franc et massif, le sculpteur fit tourner le vin, en savoura le parfum, avant de laisser son palais en profiter à son tour. A part les trois hommes, il n'y avait personne d'autre dans les parages. Curieux de tout ce qui se passait autour de lui, Aristide écouta avec attention les paroles du jeune homme qui semblait ne pas être un noble... Malgré ses manières générales qui laisseraient penser le contraire. Une liqueur de Dargon ? Ah... Un rustre de cette Province reculée. On disait beaucoup de bien de la beauté des filles du Gouverneur... Mais sinon ? De la neige, des bêtes sauvages et des habitants à peine moins civilisés. Certes, il concevait aisément que Fintasy ne soit qu'un trou perdu à côté de la Capitale... Mais LUI, il était un artiste si brillant qu'il s'élevait au-dessus de tout ça. Et le gamin eut l'excellente idée de lui demander un conseil... Grégoire soupira quasi ouvertement et s'en alla, nettoyer des verres le plus loin possible. Il avait déjà eu le plaisir de voir Aristide à l'oeuvre. Une fois, mais pas deux.


- Eh bien, jeune homme vous vous êtes adressé à la bonne personne. Je me flatte de m'y connaître assez bien en boissons diverses et variées que nous propose notre riche et prestigieuse patrie. Je parle du Saint Empire dans son ensemble bien sûr, vous êtes d'accord avec moi qu'on vit dans un monde merveilleux, n'est-ce pas ? Toujours est-il que j'ai pu goûter moult breuvages des plus délicats aux moins raffinés et je vous assure que rien ne vaut un bon verre de vin. Tenez sentez donc le bouquet de celui-ci. N'est-ce pas exquis ? Vous pouvez me croire, j'ai déjà pu divertir mon palais de nombreuses années tout à fait exquises, mais celui-ci est vraiment excellent. Madame la Comtesse d'Heltier a très bon goût. N'est-ce pas Grégoire ? Servez donc un verre à ce jeune homme, il a l'air de mourir de soif et de peine. Et la peine, je la connais très bien. On dit que les artistes doivent souffrir pour pouvoir créer les plus belles oeuvres qui soient et je vous dirais, d'expérience et je m'y connais, que ce n'est que partiellement vrai. La joie, le plaisir, on ne les exprimera jamais, si on pleure sur son sort ou la finitude de notre vie en ce monde. Vous êtes d'accord, jeune homme, non ? Il faut quand même reconnaître que j'ai accompli plus que la plupart des soit-disant artistes dont on voit les piètres créations un peu partout. Les sentiments qui animent les oeuvres ça me connaît.

C'était à se demander s'il prenait le temps de respirer. Le flot de paroles se déversa de sa bouche, sans interruptions, ses questions n'attendaient aucune réponse. Le barman servit Nathaniel, avant de s'éloigner pour s'arracher les oreilles. Aristide traînait dans le coin depuis déjà quelque semaines et les mots qu'il employait le plus souvent faisaient référence à lui-même et à ses connaissances inimaginables. Il la fermait uniquement en présence de nobles plus riches que lui, susceptibles de partager leurs immenses fortunes avec lui. Tombé sur un homme du peuple, voire un déchu, il n'allait pas se priver. Au contraire, son caractère reprenait sincèrement le dessus, laissant sortir les aspects les plus détestables de sa personnalité. C'est son propre vin qui mit un terme à son monologue, alors qu'il sentit l'envie d'en boire un peu. Son éducation en profita pour frapper.

- En fait, permettez-moi de me présenter dans les règles : sire Aristide Torchia. Je suppose que cela est utile vu que vous n'avez pas l'air très au courant de mon identité, n'est-ce pas ? D'ailleurs, j'ignore votre nom moi aussi...
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Nathaniel Lazarey
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MessageSujet: Re: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptySam 21 Jan - 15:36

La réponse de l'inconnu allait au delà de toutes les espérances de Nathaniel. Après avoir rapidement constaté le désintérêt que présentait le spectacle à l'affiche du Palais des Arts, le jeune homme avait espéré trouver un quelconque réconfort au bar, histoire de relever le niveau de cette soirée. Et il ne fut pas déçu. Il se réjouissait intérieurement d'avoir adressé la parole à l'homme qui se tenait élégamment au comptoir à quelques mètres de lui. Ce dernier s'était lancé dans un monologue que Nate écoutait avec patience, son petit demi sourire toujours accroché aux lèvres. C'était surprenant, en temps normal il fallait toujours poliment insister pour qu'une personne ose parler un tant soi peu d'elle ou de ses expériences. Les convenances, toujours les convenances... En d'autres occasions, Nathaniel aurait trouvé son interlocuteur très ennuyeux et imbu de lui-même. Ce qui était intéressant c'est qu'il ne tentait même pas de le cacher contrairement à tous ceux que le fils Lazarey avait croisé. Il voulait savoir jusqu'où cet homme pouvait aller, où se trouvait sa limite. En guise de divertissement, le blondinet ne pouvait pas espérer mieux.

Il s'était un peu penché vers le comédien qui continuait son monologue pour sentir que le bouquet de son vin était en effet des plus exquis. Il avait hoché la tête bien qu'en réalité il ne connaissait rien à ces affaires là. Il avait l'habitude de boire les choses les plus fortes, pas forcément délicieuses en goût mais délectables en effets secondaires. Le fils Lazarey abordait toujours son sourire un peu joueur, vraiment curieux de voir lorsque l'autre s'arrêterait enfin. Lorsqu'il n'aurait plus assez d'air peut-être? Le barman obéit à l'inconnu en présentant un verre de vin à Nathaniel. Grégoire arborait une drôle d'expression, à mi chemin entre la consternation et l'amusement. Il s'éclipsa bien vite à l'autre bout du comptoir, l'air d'en savoir beaucoup plus long que le blondinet. Ce dernier n'était pas trop inquiet en dépit de l'attitude du barman. Grégoire lui donnait un peu l'impression qu'il était le dindon de la farce... Qu'il s'était jeté lui même dans la gueule du loup – ce beau parleur à lunettes surenchérissait enfin par les convenances habituelles... Tout en y ajoutant une petite touche de suffisance.

Nate fixa le sieur Torchia pendant quelques secondes, laissant le silence prendre le dessus. Le blondinet était détendu, il se doutait que l'amusement ne faisait que commencer... Le sourire toujours présent sur ses lèvres, il fit glisser ses doigts autour de son verre avant de répondre.

« Je crois que pour être vraiment connu dans cette ville, il faut avoir pratiqué quelques actes débauchés dans le meilleur bordel qu'on puisse trouver. La reconnaissance n'est plus ce qu'elle était malheureusement... » Nathaniel fit un petit soupir ostentatoire avant de lancer un regard entendu vers Aristide. Il s'amusait bien. Il hésita avant de décliner son identité. Ce noble avait peut-être déjà entendu parler de sa disgrâce. C'était peu probable que tout Ishtar soit au courant de la déchéance d'une famille obscure de la lointaine province de Dargon mais qui sait? Le blondinet prit tout de même le risque. « Nathaniel Lazarey, jeune âme en peine dans la capitale comme vous l'avez si bien deviné » déclama-t-il tout en faisant une parodie de courbette, inclinant la nuque face à l'arrogant à lunettes.

Il releva bien vite la tête, l'air plus ironique que jamais. Il but un peu de vin, attentif à la réaction d'Aristide puis il reprit la parole.

« Vous aviez raison, c'est délicieux. Je suis plutôt un habitué des boissons fortes mais ce genre de breuvage finit toujours par gâcher la conversation... Ou la pimenter, selon les points de vue. Alors comme ça vous êtes un artiste et vous connaissez la Comtesse? Quel est donc votre domaine de prédilection? »
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MessageSujet: Re: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptySam 21 Jan - 19:32

Le sculpteur n'était pas un sombre imbécile, ni un gueux illettré. Mais l'ironie, adressée à sa personne dans un tel moment, où il déployait son intelligence et son infinie sagesse. Il voyait le jeune boire ses paroles, les écouter avec attention, mais son arrogance astronomique lui permettait de comprendre ça à sa façon. En somme, il était persuadé d'être intéressant, une sorte de modèle pour ce garçon, ou en tout cas, un homme brillant et impressionnant pour un jeune plus ou moins perdu. D'ailleurs Aristide n'a qu'à peine entendu ce que le jeune Nathaniel disait. Au moins jusqu'au moment, où il lui accorda qu'il avait raison. Bah... Bien sûr qu'il avait raison, après tout il ne se trompait jamais, ou ne le reconnaissait pas.

Encore une fois, à propos du vin, Torchia sourit avec suffisance, fier d'être flatté par ce jeune homme... Sans parler du fait que le sculpteur ressentait une attirance prononcée et pas cachée pour les hommes, dédaignait les femmes dans son lit et compensait cela avec leurs statues. Faire des poitrines opulentes était toujours un défi artistique plus intéressants que les torses lises de jeunes hommes... Celui-ci d'ailleurs pourrait être un modèle des plus délicieux... Par-dessus ses lunettes, l'arrogant de service dévisagea le jeune homme sans cacher un intérêt certain pour sa silhouette. Il sentait déjà l'argile se plier sous ses ordres et ses caresses, la pierre former la forme qu'il désire.

- Oui, bien sûr.

Il n'était point surpris qu'on lui disait cela. Il avait raison, tant à propos du vin qu'à propos de toute autre chose. Son avis sur les boissons fortes ?

- Les liqueurs et autres alcools qui ont la réputation de résister aux températures les plus basses que notre magnifique Empire ne connaisse, sont une excellente et ô combien efficace source d'ivresse. Cette dernière peut s'avérer utile lorsque l'on a besoin de retrouver notre muse. Mais sinon, il n'y a rien de noble en ces alcools barbares, issus simplement d'un climat qui n'est pas celui de la civilisation.

Un discours plus court que le précédent. En bon artiste, Aristide avait déjà goûté à un tas de choses étranges, censées stimuler la créativité et le contact avec les muses. A son réveil, il découvrait parfois d'excellentes oeuvres, mais cela n'était pas une règle : à plusieurs reprises il lui a fallu détruire sa création de la veille pour la recycler en quelque chose de potable. Quand même interpellé par la question de Nathaniel, Torchia répondit, dans un nouveau flot de paroles :

- Je suis sculpteur, un art que vous ne devez pas bien connaître, dans la mesure, où mon nom ne vous a pas mis sur la piste, pourtant évidente, permettez-moi de le dire, de ce domaine dont je suis le plus fidèle des adeptes. Pour ce qui est de la célébrité et des... bordels comme vous le dites, sachez que l'Art est un moyen certain d'acquérir la notoriété. - Miracle, un silence ! - A ce propos, faites-vous autre chose que traîner ici à la recherche de divertissement ? Car dans le cas d'une réponse négative, je suis prêt à vous demander de poser pour moi. Malgré vos connaissances limitées, il semble que votre corps soit digne d'intérêt.

N'était-il pas en train de reprocher à Nathaniel ses propres torts ? Celui d'être à la botte des puissants et des riches ? Celui de ne pas savoir quoi faire sans la haute société, son acceptation, sa reconnaissance ? Aristide pourrait éventuellement se marier à une baronne, voire une comtesse s'il avait de la chance et vivre une vie prospère... Il avait une lettre de noblesse en poche. Mais il avait passé le point de non-retour en matière de prétention. Personne ne pouvait le ramener sur le chemin de la réalité : il était le plus grand sculpteur de tous les temps et de tous les espaces. Et le monde entier pouvait aller se faire foutre, s'il n'était pas prêt à reconnaître son génie. Nathaniel avait un petit quelque chose qui lui plaisait... Ce visage allait être agréable à façonner... Dans de l'argile... Oui... Ce n'était pas un visage pour la pierre... A moins qu'il ait encore un bloc de marbre de disponible dans tout le foutoir qui lui servait de maison... Soudainement, Aristide prit un air encore plus dédaigneux :

- Et vous, que faites-vous de votre vie ?

Comme si, la sculpture et la noblesse mises à part, il n'y avait plus rien de digne de respect en ce monde...
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Nathaniel Lazarey
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MessageSujet: Re: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptyDim 22 Jan - 0:06

Nate sentait le regard de son interlocuteur le passer en revue de la tête aux pieds. Pour une fois, le blondinet ressentit une certaine gêne. Il fanfaronnait et se prétendait prêt à toutes les folies pour tromper l'ennui, mais lorsqu'on le mettait devant le fait accompli, le fils Lazarey avait encore quelques hésitations... Un peu de retenue. Un vague souvenir de son éducation rigide et complexée. Il faut être dans la norme, il faut penser comme tout le monde, ne surtout pas devenir comme Katarìna! Cela n'avait pas eu grand effet sur le jeune homme. Il avait passé tant de temps avec sa grande sœur, personne n'avait pu retirer tout ce qu'elle lui avait inculqué.

Les habitants d'Ishtar pouvait remettre en question le concept de "normalité". Il était de notoriété publique que les nobles s'adonnaient à des plaisirs qui auraient choqué la plupart de leurs confrères du nord. Quand je vous disais qu'ils étaient coincés...

Nathaniel sentit une sorte de soulagement l'envahir lorsque le sieur Torchia reprit la parole. Chaque mot qu'il prononçait semblait lui apporter une satisfaction personnelle, c'était comme s'il se délectait des phrases qui franchissaient ses lèvres pleines de suffisance. Le fils Lazarey connaissait un autre usage des liqueurs fortes, ça ne touchait pas du tout au domaine artistique... Sauf pour ceux qui considèrent que le sexe est une forme d'art. Le jeune homme s'était abandonné aux plaisirs de l'alcool plusieurs fois mais il n'en était jamais ressorti pleinement satisfait... Comme toujours.

Le blondinet nota les remarques désobligeantes d'Aristide à propos de sa province. Il se promit de lui renvoyer la balle un peu plus tard. Il avait déserté le manoir familial mais cela ne changeait rien au fait qu'il était né et avait grandi à Dargon. On ne souille pas sa chère petite province en toute impunité. Nate comprenait le dégoût que certains avaient pour les provinces du nord, là où le climat avait tant d'influence sur le caractère des hommes. Toutefois, en bon fils de Dargon il ne pouvait pas laisser passer une occasion de transmettre aux autres toutes les subtilités ignorées du Nord.

Le silence entre deux tirades était délicieux. Nathaniel en profita pour prendre une position un peu plus confortable face au comptoir, légèrement tourné vers Aristide. Il l'avait jusque là écouté avec attention et son sourire ironique s'était mué en une petite moue d'amabilité. Le fils Lazarey s'amusait toujours autant, il se prenait au jeu et faisait de son mieux pour faire durer l'échange. Il enroula ses doigts autour de son verre de vin et en but quelques gorgées.

« Malgré vos connaissances limitées, il semble que votre corps soit digne d'intérêt. »

Le blondinet avala de travers et reposa brutalement son verre. Au loin, Grégoire lui lança un regard inquiet. Il n'y avait vraiment pas de quoi l'être. Aristide Torchia venait de servir à Nathaniel ce qu'il avait toujours désiré. L'imprévu, la surprise, le sensationnel, l'audace. Et cette petite pointe d'arrogance... Juste pour le plaisir du défi il serait amusant de s'en accommoder. Le challenge de supporter un tel homme, de conserver une relation amicale avec lui sans pour autant avoir envie de s'ouvrir les veines, c'était affreusement tentant.

Le noble lui posa une dernière question, Nate toussota un peu avant d'y répondre. Il tentait de reprendre contenance, l'autre l'avait surpris... Et insulté. Une grande première. Le fils Lazarey passa une main lasse dans ses mèches blondes et répliqua d'un ton un peu morne, le regard posé sur Aristide. Il ne le voyait pas vraiment, il repensait subitement au passé et à tout le savoir qu'il avait accumulé. Est-ce que cela se faisait de hurler en plein salon qu'il savait tout de la magie des Philosophes mais qu'il ne l'avait jamais pratiquée? Non, probablement pas.

« Des connaissances limitées vous dites..? Pas vraiment... » Après quelques secondes de flottement, le regard de Nate sembla s'éclairer de nouveau. Il le planta droit dans celui de son interlocuteur et son fameux sourire amusé reprit ses droits. « Dargon n'est pas la plus délicieuse des provinces vous avez raison. Mais s'il vous plait, ne jetez pas tout le monde dans le même sac. A moins que vous ne vouliez admettre que vous parlez en ce moment à l'un de ces barbares du nord? »

Nathaniel fit une moue faussement dépitée, le regard pétillant. Puis il prit une nouvelle gorgée de vin. Il avait déjà bu les trois quarts de son verre. Il hésita un peu puis déclara enfin: « Votre proposition de tout à l'heure me semble tout à fait... honorable. Vous êtes perspicace, j'ai énormément de temps libre voyez-vous. Cela me permet d'affermir mes connaissances bien que je déplore un certain manque de pratique... »

Voilà qu'il se laissait aller, il dévoilait une parcelle infime de sa vie privée. Il se reprit à temps, curieux:

« Et que fait un sculpteur dans l'un des salons privés du Palais des Arts? Vous ne profitez pas du spectacle qui a lieu en ce moment même? »
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MessageSujet: Re: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptyDim 22 Jan - 13:53

A bien le regarder, le garçon n'était vraiment pas vilain. Aristide le regardait avec un regard qui trahissait partiellement la lubricité de certaines de ses pensées, mais également comme s'il voulait voir les courbes qui déterminaient ce jeune homme. Il voulait voir les contours de ses muscles, la douceur de sa peau, d'éventuelles imperfections du corps que lui seul pouvait améliorer. Car les humains, même les plus beaux, ne pouvaient qu'envier ses statues à lui. Elles respiraient la perfection, la douceur et l'immortalité propre à la pierre la plus dure. La gloire de son génie allait illuminer les siècles à venir, alors que la noblesse parlait de lui avec respect et des générations d'ishtariens grandiraient et mourraient sous le regard perçant de ses oeuvres resplendissantes !

Ses sourcils se levèrent. Quoi donc ? Ce rustre ne parlait-il donc jamais de son corps ou de celui de quelqu'un d'autre ? Déjà que l'aristocratie de la Capitale était particulièrement libertine sur le sujet, lorsqu'il était question de luxure, mais alors un artiste sculpteur, dont le rôle est clairement de connaître et percevoir les multiples aspects d'une enveloppe charnelle... Aristide n'avait aucun mal avec le sujet. Surtout face aux hommes. Les femmes bénéficiaient de son indifférences et donc d'un degré de professionnalisme encore supérieur à celui de leurs maris. Enfin, revenons dans ce petit salon à l'ambiance feutrée, où deux hommes s'amusaient plutôt bien. L'un exposait sa sagesse qu'il croyait indispensable à l'épanouissement du monde entier. L'autre s'en gaussait avec un malin plaisir. L'artiste fit sortir de l'air de l'air par sa bouche de la façon la plus méprisante possible.

- Pfff... Permettez-moi de remettre en doute vos connaissances de la sculpture et de la vie en doute, jeune homme. Et je le reconnais sans hésitation : vous êtes un barbare du nord qui a simplement eut l'occasion de profiter des bienfaits de la civilisation radieuse du Saint Empire, voilà tout. Quant à mon offre, elle tient toujours, malgré le fait que vous ne pouvez retenir votre langue de parler et de contredire des gens plus sages que vous ne le serez jamais.

Sire Torchia, dernier du nom de part sa magouille qui mit un terme à la vie de ses géniteurs bien-aimés, vida son verre et le déposa avec délicatesse sur le comptoir. Il contempla le verre. Une petite oeuvre d'art en soi... Rien de comparable avec un sculpture, mais tout de même. En plus... C'était fait à base de sable, une matière des plus manipulables pour un mage de la terre... Pourtant, le verre restait en-dehors du contrôle des philosophes... La chaleur y était sûrement pour quelque chose, il fallait le découvrir un de ces quatre. En attendant, Aristide mit sept pièces d'argent à côté de son verre et soupira.

- Mon... honorable et généreuse proposition tient toujours, jeune homme. Pour répondre à votre question, je viens ici pour trouver de l'inspiration. Et ce n'est pas cette médiocre mascarade qui va m'en donner. Je suppose que le metteur en scène devra en répondre devant madame la Comtesse. Bref, si vous désirez servir à quelque chose et apporter votre pierre à l'édifice de l'Art, c'est le moment de me suivre.

L'inspiration d'Aristide, outre sa gloire personnelle dont il était pour le moment le plus fervent promoteur, était l'Argent. Celui des autres. Il rêvait d'en avoir toujours plus dans l'unique but de le dépenser en qualité de vie et en respect qui découlait toujours des pièces d'or. Il se leva et passa la porte. Seulement après avoir traversé la moitié du couloir, il lança un regard derrière lui pour s'assurer que son modèle le suivait. Peut-être allait-il pouvoir rendre le garçon un peu moins inutile qu'il ne l'était, accoudé à ce bar...
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MessageSujet: Re: Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou.   Devant ou derrière les rideaux de velours? — Aristi'chou. EmptyDim 22 Jan - 16:47

Ne pas reconnaître ses propres torts, continuer d'affirmer quelque chose sans aucune honte, rabaisser l'autre en dépit de sa douce politesse... Aristide Torchia avait fait fort. Très fort. Encore une fois, Nathaniel ne s'était pas attendu à tant de répartie arrogante. Il avait été poli, il avait été charmeur et cet artiste n'était même pas tombé dans le panneau! Le fils Lazarey caressait le pied fin de son verre à vin, se dérobant légèrement du regard de son interlocuteur. Il était pensif. Est-ce que tout cela en valait la peine? Les discours du sculpteur commençaient déjà à se faire usants. Mais d'un autre côté... Nate était sans doute masochiste, rester en compagnie du sieur Torchia n'était pas ce qu'on pouvait appeler "une partie de plaisir".

En réalité, tout dépendait de quoi l'on tirait ledit plaisir. Et là c'était vraiment trop fascinant pour être ignoré. L'ennui et la curiosité... C'était plus fort que lui, Nathaniel ne pouvait se résoudre à fuir cette effigie vivante de l'autosatisfaction. Ne s'était-il pas réfugié au bar du Palais des Arts pour y trouver le divertissement? Et son souhait s'était exaucé.

Tandis qu'Aristide fixait son verre vide, le fils Lazarey le fixait, lui. Il était beaucoup plus âgé que lui, cela ne faisait aucun doute. Mais ce n'était pas désagréable, l'artiste n'était pas encore un homme croulant sous le poids de la vieillesse. Il en était sans doute à cet âge parfait où le monde était à ses pieds pour sa beauté et son expérience. Nate ne pouvait déterminer son âge exact par de simples regards... Ce serait une question à poser plus tard, si elle avait son importance. Le blondinet n'était pas mécontent d'avoir trouvé quelqu'un d'assez assuré pour oser lui tenir tête sur plusieurs répliques, et cela sans se rétracter, s'excuser ou rougir. C'était une expérience passionnante. Nathaniel avait justement besoin d'expérience... Il sortit prestement quelques pièces de la poche de son pantalon serré – tellement serré qu'il était impossible d'y glisser une bourse bien garnie – avant de vider le reste de son verre d'une seule gorgée. Le sculpteur avait déjà tourné les talons. Le barman lançait des regards intrigués et inquiets vers Nate, ce dernier fit un petit geste désinvolte de la main et se pressa silencieusement derrière Aristide. Lorsque l'artiste daigna enfin tourner la tête dans sa direction – doutait-il de sa présence à ses côtés? - le fils Lazarey lui lança un regard faussement désabusé derrière les mèches blondes qui tombaient en désordre sur son front.

« Vous êtes certain de pouvoir me supporter, moi et ma langue trop bavarde? »

Au fond il avait la trouille. L'originalité détestable d'Aristide cachait peut-être quelque chose de pire. De beaucoup plus dangereux. Dans la rue, des gens mourraient. Des cadavres étaient jetés dans le fleuve. Des pauvres innocents étaient dupés par des pervers. Mais Nathaniel avait essuyé déception sur déception. Il avait trainé dans les endroits les plus improbables, du plus chic au plus glauque, il avait essayé toutes sortes de choses... Sans jamais aller jusqu'au bout.

Alors, le blondinet suivit docilement le sculpteur, perdant légèrement son sourire ironique mais pas son enthousiasme.
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