Je crois que tout a basculé
ce soir là à l'Opérâthre. Le spectacle était désastreux. Je me suis réfugié au bar, il ne me décevait jamais
lui. Et ses offrandes furent encore plus abondantes que d'habitude: j'y rencontrais un artiste arrogant jusqu'aux yeux. Il m'amusait et m'intriguait, je le suivis
jusqu'à son atelier. Le sculpteur ne perdit pas de temps: il recherchait un peu d'inspiration, il me fit quelques propositions... Impossible de lui dire non. Cet Aristide Torchia était fascinant, son arrogance mettait en péril les convenances de la noblesse... C'était un spectacle délicieux à ne manquer sous aucun prétexte. Je devins l'apprenti du philosophe, un novice désireux d'apprendre et de se divertir. Un
petit con.
Le buste de ma mine stupéfaite - façonné par l'artiste lors de notre première rencontre - avait attiré une jeune noble dans les filets d'Aristide. La demoiselle avait passé commande auprès de mon Maître. Un nouvel atelier nous attendait, financé par cette jeune et puissante protectrice. Il fallait
remplir les malles et mettre au point les derniers détails de notre collaboration. Ce soir là, le maître profita de son influence sur le novice. Une expérience aussi surprenante que délectable...
Vint enfin ce moment tant attendu, nous allions
recevoir Mézièle Hellwig dans le nouvel atelier. Aristide était prêt à faire une démonstration digne de ce nom. Il en allait de sa célébrité et de ses moyens financiers. Ce qui était profitable pour mon Maître l'était forcément pour moi ; c'est de bonne grâce que j'occupais cette charmante demoiselle. La puissante petite Marquise fit la plus somptueuse des commandes: une statue de verre à l'effigie de son frère Ulrich.
L'ennui me rattrapa quelques nuits plus tard. Je ne parvenais pas à rester trop longtemps aux côtés de mon Maître qui s'exerçait à la maîtrise du verre. Je me rendis à une réception dans l'espoir de me changer les idées. En vain, la soirée s'annonçait décevante et ce n'est que lorsque je m'apprêtais à partir que
je rencontrais Cecil. Un bien étrange cavalier. Souhaitant prolonger l'agréable moment que fut notre rencontre, je l'invitais avec empressement à visiter l'atelier. D'abord agacé d'être dérangé en plein travail, Aristide changea du tout au tout lorsqu'il reconnut l'invité que je lui avais imposé. Cecil, Marquis... Le sculpteur savait s'y prendre, les deux hommes ne tardèrent pas à parler affaires.
Un projet fou, gigantesque, dangereux nous tomba entre les bras. Je masquais mon inquiétude face à l'enthousiasme de ces deux passionnés que j'avais eu le malheur de réunir.
Je redoutais le pire pour Aristide. Il était temps que je perfectionne mon entrainement et je le fis la nuit,
dans les marécages à la périphérie de la capitale.