L'Empire Ishtar
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 La lettre de la discorde (Marius, Elea)

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MessageSujet: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyJeu 21 Juil - 13:22

Zarnh avait passé une journée particulièrement éprouvante. Si le Sénateur avait l'habitude de crouler sous le travail que son poste lui fournissait, il avait rarement eu à traiter autant d'affaires en même temps. Des dizaines de problèmes lui occupaient l'esprit, et il n'avait ce jour là eu que peu de temps de répit pour se détendre et profiter de la Capitale, qu'il n'avait guère eu véritablement l'occasion de visiter, trop occupé à rester dans les couloirs du Sénat. Sa dure journée de labeur enfin terminée, il avait décidé de retourner à ses appartements, afin de profiter pleinement des demoiselles que sa soeur avait fait venir au manoir, spécialement pour lui et pour son bon plaisir. L'idée de pouvoir enfin se détendre le ravissait, et Zarnh entreprit de se rendre chez lui aussi rapidement que son souffle le lui permettait.

Les rues ne désemplissaient pas. Les habitants d'Ishtar, en cette fin d'après-midi, semblaient tous ravis de s'attarder dehors, chacun allant et venant, et vaquant à leurs occupations sans se soucier de l'heure qui défilait. Zarnh n'aimait pas se mêler à la foule de cette façon, n'aimant pas être mis sur le même plan que tous ces manants. Le prince avait toujours eu besoin de se sentir supérieur, de dominer les autres, et en particulier les simples citoyens qu'il avait pour habitude de traiter avec trop peu d'égard. Le Sénateur marchait avec fierté parmi les citadins, se tenant avec dédain et hauteur, pour dominer de sa noble stature ceux qui l'entouraient. Son regard était méprisant, suffisant, et mettait mal à l'aise ceux qui osaient le croiser. Comme toujours, inspirer effroi et crainte ne faisait que ravir davantage le prince…

Enfin arrivé devant les portes de son manoir, où deux domestiques postés de part et d'autre de l'imposant édifice le saluèrent d'une discrète révérence, Zarnh posa le pied sur quelque chose qui attira tout de suite son regard. Le Sénateur de Semini baissa les yeux, afin d'identifier la nature de l'objet qu'il venait de piétiner. L'homme leva le pied, et découvrit une enveloppe, légèrement froissée, et à présent marquée de l'empreinte terreuse de sa chaussure. Zarhn haussa un sourcil, surpris. D'ordinaire, les missives étaient directement reçues par l'un des majordomes de la maison, il ne pouvait donc expliquer la présence de l'une d'elles en pleine rue. Les serviteurs de la famille Nocturnae étaient trop précautionneux, par crainte d'éventuelles représailles, pour négliger les affaires de leurs maîtres. Zarnh se baissa, et se saisit de la lettre abandonnée sur les pavés humides. Il retourna l'enveloppe, l'observant sous toutes les coutures pour en définir la provenance. Elle était vierge, et aucune trace de l'identité du destinataire ou de l'émetteur n'était visible, si ce n'était un étrange cachet, positionné en bas à gauche du verso.

Zarnh rangea précautionneusement l'enveloppe dans la poche intérieure de son veston, et franchit d'un pas ferme le pas de la porte de sa demeure. Il se rendit ensuite en direction des étages supérieurs, et s'affala enfin de manière nonchalante dans l'un des nombreux fauteuils de cuir qui meublaient son bureau. Le prince sortit à nouveau la mystérieuse missive de sa poche, et l'ouvrit. Il en sortit un long document, adressé à un certain "Leonard". Zarnh parcourut la lettre sans se montrer trop attentif, passablement désintéressé par ce qu'il venait d'y trouver. Il fallait avouer que le Sénateur était plutôt déçu. Bien sûr, il avait peu de chance de tomber sur quelque chose ayant une véritable importance, ou sur un document strictement confidentiel, mais il avait néanmoins eu le naïf espoir de pouvoir utiliser cette lettre à des fins personnelles pour renforcer sa puissance sur la noblesse de l'Empire. Qu'importe. Une fois de plus, la lettre finirait aux ordures, et ce serait aussi simple que cela.

Alors qu'il s'apprêtait à envoyer aux oubliettes la fameuse enveloppe de façon définitive, un nom, en bas de page, attira son attention. Eleanor Van Lähre. Zarhn fronça les sourcils. Il avait déjà entendu ce nom quelque part. Où ? Le Sénateur n'en avait malheureusement pas le moindre souvenir. La seule chose dont il était pratiquement convaincu, était qu'il s'agissait d'une noble. Soudain, son opinion à propos de l'importance de la missive qu'il détenait entre les mains changea, radicalement. Il pouvait s'agir de révélations importantes au sujet de la jeune femme, dont Zarhn aurait toujours pu se servir à l'avenir, si besoin était. L'homme déplia donc à nouveau le papier qu'il avait auparavant froissé sans la moindre considération. Il se rassit lentement dans le creux de son fauteuil, et parcourut les lignes, fronçant les sourcils d'un air sérieux.

Cette Eleanor était enceinte, ou du moins, c'était ce que Zarhn avait cru comprendre. Dans cette lettre, elle faisait part de ses sentiments à un homme qui semblait être un ami de longue date, ce… Léonard. Etait-ce quelque chose que nul n'était censé savoir ? La grossesse de la jeune femme devait-elle rester un secret ? Et si c'était le cas, Zarnh aurait très bien pu se servir de cette information pour faire pression auprès de cette femme afin de la contraindre à faire quelque chose pour lui ? Oui… C'était une idée judicieuse. Le Sénateur esquissa un léger sourire, fier de son intelligente quoique malfaisante idée, qui assurément, jouerait beaucoup en sa faveur…

C'est avec beaucoup d'assurance que le prince entreprit de se rendre au domicile de la femme en question. Ses majordomes sauraient le renseigner sur le lieu où elle vivait, d'ailleurs, ils n'osaient jamais lui refuser la moindre requête. Bien vite, Zarnh obtint l'information qu'il désirait, et ne se fit pas prier pour se rendre jusqu'à l'appartement Van Lähre, non loin de la place des Manèges. Arrivé devant la porte du bâtiment, l'homme ne put retenir un léger rire satisfait, et, accoudé à l'encadrement de la porte, frappa d'une manière nonchalante, un sourire malsain aux lèvres, et l'enveloppe froissée dans la main.
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Eleanor van Lähre
Mort(e) tragiquement

Eleanor van Lähre

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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptySam 23 Juil - 18:15

« Elea, ma douce petite Elea. Je t’en supplie, redresses ton dos et marches à nouveau fièrement. Arrête de te morfondre dans la solitude, la fatigue et la tristesse. La douleur et la souffrance que tu ressens ne sont rien comparées à toute la misère du monde. Elea, peu m’importe que tu n’as pas respecté toutes tes promesses envers moi. Mais je t’en prie, réalises-en au moins une, la plus importante : rendre le monde meilleur. Tu as encore le temps et la possibilité, malgré ta situation. Ne la gâche pas, cette opportunité. Je sais très bien que tu y parviendras si tu ne baisses plus les bras.
Aime ton mari malgré tout ce qu’il a très bien pu te faire. Il est primordial que vous vous entendiez bien. Ma petite, je suis certaine que si tu changes ton point de vue sur lui, il te sera complètement différent. Continue le combat. Peu m’importe de quelle façon du moment que tu réussisses. Ne lâche jamais celui que tu aimes du plus profond de ton cœur. Il est celui qui t’apportera le bonheur et la force de combattre. Ne t’éloigne jamais de lui, malgré ton mari. Il sera ta raison de vivre, et tu seras la sienne. A deux, vous avancerez plus facilement. Ne laisse pas ton enfant vivre dans un tel monde.

Je t’aime de tout mon cœur, ma petite Elea. »


« Cette légère caresse de ma joue lorsque Tu étais venue puis repartie, je l’avais vraiment ressentie. J’avais probablement frissonné. Je ne pourrais Te le dire exactement. En tout cas, à mon réveil, j’étais la plus heureuse du monde. Depuis tout ce temps que Tu ne m’étais pas apparue en rêve. J’avais cru que m’avais abandonnée. Que tu m’en voulais pour tout ce que j’avais fait ; m’être liée à un terroriste, mentir, trahir mes promesses. Je n’aurais pas pu le supporter si tel avait été le cas. Mais cette nuit, Tu es venue. Tu m’as consolée. J’ai écouté tous Tes mots et je m’en souviens de chacun d’entre eux. Mère, comme Tu me donnes à nouveau une raison d’arrêter de me faire souffrir moi-même ! Les lettres de Marius m’avaient déjà un peu redonné du courage et de la force. Cette fois-ci, c’était Toi qui me passais le message le plus réconfortant que je n’avais jamais encore eu depuis Ta mort. Si Tu savais comment Tu me manques. Je Te le promets. Je ne faillirai plus. Je continuerai jusqu’au bout, peu importe le prix à payer. J’agirai enfin. Le monde changera. Ton rêve se réalisera.

Je ne me réveillais pas tout de suite. Je ne dormais plus mais mes yeux étaient encore fermés et je ne faisais que sourire. Tout ce que je souhaitais, c’était tout simplement Te revoir encore dans mes rêves. Ne pas oublier Ton image. Pourtant, au bout d’un certain temps, je n’avais plus trop le choix et j’ouvris les yeux. Mon mari n’était plus là et les volets étaient fermés. Les rideaux avaient toutefois été tirés. C’était étrange, je me demandais bien quelle heure il pouvait être. Je me levai alors du lit et peu m’importait que j’étais habillée encore en chemise de nuit, je sortis de la chambre. Je parcourais la maison à la recherche d’une personne vivante, autre que les domestiques, à savoir mon mari, mon père ou Iraïd. Aucun des trois hommes ne se trouvaient dans l’appartement et je me demandais bien où ils pouvaient être passés. Mon père ne m’avait rien dit sur une destination précise ou une activité pour la journée. Siegfried sortait quand cela lui chantait. Quant à Iraïd, je n’étais plus sûre si c’était ce jour-ci qu’il devait venir faire son rapport au comte.

Je n’avais personne à qui je pouvais parler. J’avais d’abord voulu simplement révéler à mon père le rêve que j’avais fait. Il serait vraiment intéressé s’il savait que Tu étais venue. Mais comme il n’était là, pour l’instant il restait dans l’ignorance. Je sentis alors mon estomac crier famine et je me mis en tête de descendre prendre mon petit déjeuner. Avant cela, je revins dans ma chambre afin de me vêtir plus correctement avant de manger. Je remarquai alors l’obscurité de la chambre et je compris que les lumières avaient été allumés dans tout l’appartement. Je me dirigeai vers une des fenêtres afin d’ouvrir le volet. La pluie inondait les rues d’Ishtar et peu de personnes s’aventuraient dehors. Le ciel était bien gris et provoquait cette obscurité. Je demandais alors à une servante de s’occuper des volets et je descendis manger. J’étais toute heureuse, le sourire se lisait sur mon visage. Tout le monde présent dans l’appartement fut étonné de me voir aussi radieuse. Il était vrai que je ne l’avais pas été depuis très longtemps. Ton apparition était une chose énorme pour moi et je savais que toute la journée je serai de bonne humeur. Je pensais même être en mesure de commencer à réfléchir sur une bonne manière de continuer à combattre. Puis surtout, le plus important, la façon dont je pouvais prendre ma vie en main à nouveau. Tu m’avais donné quelques pistes que j’allais certainement suivre à la lettre.

Je ne remarquai à peine ma solitude. Pour une fois, elle ne me dérangea pas du tout. Mais j’eus une petite idée qui me vint après avoir enfin rempli mon estomac. C’était mon tour de répondre à Marius. Comme il n’y avait personne à la maison, je pouvais en profiter justement pour me mettre à écrire la lettre. Je lui raconterai alors que je T’ai vue cette nuit et à peu près ce que Tu m’as dit. Je ne pouvais pas non plus lui écrire tout dans les moindres détails. Imaginons que quelqu’un tombait sur cette lettre ! Cela aurait été une catastrophe, probablement. En tout cas, je ne m’en préoccupais pas vraiment pour l’instant et m’attelai à la tâche d’écriture, dans mon petit bureau. Je terminai plutôt rapidement cette lettre. Les mots me venaient si facilement que je n’avais pas besoin de me relire ni de jeter des tonnes de papiers car elle ne me plaisait pas. En effet, je l’avais écrite d’une traite, sans ratures. J’étais sans cesse satisfaite de moi. Je la donnais alors à un domestique de confiance, toujours le même, afin qu’il la portât à Marius. Par la suite, je me posai dans un fauteuil de la bibliothèque et me remis à lire des livres. J’avais perdu récemment le goût pour la lecture, ce qui était une chose bien regrettable.

Vers la fin de l’après-midi, presque au moment de passer à table du dîner, je notai que personne n’était revenu. Cela devenait certes un peu étrange, mais je ne fis pas plus attention à cela. Je les attendais simplement. Et s’ils ne rentraient pas à l’heure pour manger, je serai encore une fois seule à table. Ce n’était pas si grave que cela tout de même. Tout d’un coup, j’entendis la sonnette de la maison. C’était bien bizarre. Mon père, tout comme Siegfried, possédait la clé et pouvait entrer sans avoir besoin de passer par la sonnette. Mais peut-être avait-il seulement pas envie de la chercher dans ses poches ? Cela ne m’importait guère. Je me levai tout de même, posai mon livre sur la petite table et me dirigeai vers la porte pour l’accueillir. Mon père ou Siegfried ? Je spéculai. En tout cas, je m’attendais à le voir entrer dans la maison et donner ses affaires à la servante qui avait ouvert la porte. Pourtant, aucun d’eux ne fit cela. Au contraire, la servante vint vers moi et quand elle me vit si près de la porte, s’arrêta pour m’annoncer un invité. Un invité ? J’étais surprise. Nous n’attendions personne. Ou peut-être ils avaient oublié de m’en parler. Certainement. J’allais vers la porte pour rencontrer cet invité.


- Bonsoir, Messire, que désirez-vous ? demandai-je avec sourire et une voix pleine de bonheur.

J’oubliais simplement qu’un invité n’aurait pas du rester au seuil de la porte. Il ne devait donc pas connaître ni Siegfried, ni mon père. Cette pensée ne m’était même pas venue à l’esprit à l’instant même. J’ignorais totalement que je faisais entrer chez moi un parfait inconnu. D’ailleurs, je le priais de ne pas rester dehors. »

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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyDim 24 Juil - 10:26

- Bonsoir, Messire, que désirez-vous ?

"Messire" ? Rien que ça ! Ah, que c'était bon d'être accueilli avec tant de considération ! La réputation ternie du Sénateur de Semini ne lui avait plus permis d'être désigné de la sorte par qui que ce soit qui ne soit pas sous ses ordres, ou contraint de se soumettre, depuis bien longtemps. Zarnh trouvait cette appellation tout à fait valorisante, et il ressentit grandir en lui une confiance sans borne en sa personne. Il était fier, satisfait, d'observer à quel point il inspirait le respect. Oh bien sûr il n'en avait jamais douté, mais il était toujours ravi qu'on le lui rappelle, quotidiennement, voire même plusieurs fois par jour ou par heure.

Accoudé à l'encadrement de la porte, dans une position relativement désinvolte et assurée, Zarhn se sentit d'autant plus à l'aise. Il esquissa un sourire en coin, tout en dévisageant celle qui venait de surgir devant lui. C'était une belle femme, possédant une chevelure d'une étrange couleur bleuâtre. Il ne faisait aucun doute qu'elle put plaire au prince, qui n'eut aucun mal à s'imaginer pouvoir la conquérir si l'envie lui prenait. Mais Zarnh avait d'autres projets la concernant. Quelle serait sa réaction quand elle découvrirait que la lettre qu'elle avait probablement posté plus tôt dans la journée, se trouvait à présent en sa possession ? Serait-elle effrayée ? Inquiète ? Angoissée ? Elle aurait toutes les raisons du monde de l'être, car face à un personnage aussi imprévisible et sournois que Zarnh, elle aurait pu facilement se retrouver en mauvaise posture.

Zarnh savait que la balle était désormais dans son camp. Il devait bien préparer son coup, et exploiter au mieux l'avance et l'avantage qu'il possédait afin qu'il puisse profiter au mieux de Van Lähre. Que pourrais-t-il bien exiger d'elle ? Le Sénateur de Semini aurait tout le loisir d'y réfléchir au cours de la conversation, pour le moment, il devait se montrer persuasif. L'homme emboîta le pas à son hôte qui venait de le prier d'entrer, un sourire déroutant constamment lisible sur son visage. Zarnh, soudain, saisit le bras de la femme aux cheveux bleutés, et la fit se retourner, brutalement et avec une violence qui eut don de la prendre par surprise. Le Sénateur ne desserra pas son emprise, et glissa une main dans la poche intérieure de son veston. Il en sortit, lentement, afin d'effrayer au maximum son hôte, l'enveloppe froissée ramassée précédemment non loin de sa demeure.

Le prince fit mine de ne pas savoir d'où provenait la mystérieuse missive, fronça les sourcils, et agita l'enveloppe tachée sous le nez de Van Lähre. Cette-dernière la reconnaîtrait certainement, et Zarnh ressentit une certaine satisfaction en imaginant son coeur battre la chamade, son pouls s'accélérer, apeurée de savoir cette si précieuse lettre entre les mains du redoutable Sénateur Nocturnae. L'homme émis un rire terrifiant, et déclara d'une voix froide et menaçante :

« Auriez-vous… égaré quelque chose, … madame ? »
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Eleanor van Lähre
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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyDim 24 Juil - 14:03

« Nous étions encore presque à l’entrée, dans le petit couloir qui menait à la salle à manger. Le sourire encore sur les lèvres, j’étais en train de mener mon hôte afin qu’il pût s’y installer. La table avait déjà été mise en avance. Pourtant, je n’avais pas vraiment fait attention au nombre de couverts sur celle-ci. Sinon, je pensais bien que je me serai doutée quelque chose clochait dans toute cette histoire. Mais j’avais été trop radieuse et visiblement, cela me perdrait. Je ne le savais pas encore, mais j’avais eu tort de faire rentrer cet homme dans la maison. Alors que je marchais vers la salle à manger, ce qui se déroula par la suite me surprit énormément et je ne m’y attendais pas du tout. Tout d’un coup, il m’attrapa par le bras. Au début je crus qu’il souhaitait me prévenir d’une chose, ou tout du moins simplement éveiller ma curiosité. Je me tournai, forcée, soudainement et brutalement. La violence fut grande mais mes yeux pour l’instant ne montraient aucune peur. Le moment suivant, je me rendis compte de la force employée à m’agripper le poignet. Il me faisait presque très mal, tellement que je grimaçai de douleur. Je compris alors que je m’étais retrouvée dans une mauvaise posture. J’ignorais totalement ce qu’il désirait et ce qu’il me ferait. En tout cas, je commençai à être effrayée par toutes les pensées qui se bousculaient dans mon esprit en si peu de temps. Cela se lisait non seulement sur mon visage mais aussi dans mes yeux. Mon cœur battit un peu plus fort.

Je le vis alors tenter de sortir un objet de son veston avec sa main libre. Il le faisait si lentement que je ne pouvais pas savoir de ce qu’il en tenait. Et si c’était quelque chose d’important ? Peut-être un couteau avec lequel il me tuerait sur le champ. Mais j’aperçus quelque chose de blanc à la place au bout d’un instant. Finalement je réalisai que ce n’était qu’un papier. J’étais déjà un peu plus rassurée, au moins je n’allais pas mourir. Toutefois mon cœur battait de plus en plus fort et j’avais l’impression que si cela continuait, il exploserait à un moment ou à un autre. La peur me tenait les entrailles. Qu’était donc ce papier ? Mon instinct, forcément, me disait que ce n’était pas une très bonne nouvelle. Le Haut-Prêtre aurait-il envoyé quelqu’un pour m’avertir encore une fois de quitter définitivement la capitale ? Je n’en avais aucune idée. En tout cas, j’étais de plus en plus angoissée à force. Il sortit finalement cette lettre. Je ne mis pas une seconde pour reconnaître en réalité celle que j’avais écrite ce matin même et avait prié à un domestique de la porter à Marius. Que s’était-il passé ? Nous avait-il dénoncés ? Tout ce qui comptait pour l’instant, c’était que je savais désormais que la lettre s’était retrouvée entre de mauvaises mains. Je me doutais alors bien qu’elle avait été lue par cet homme et qu’il savait tout. Que devais-je faire ? Son rire froid voire même presque menaçant, me glaça le sang. Je restai donc bouche bée un instant.


- Qui … qui êtes vous au juste ? arrivai-je néanmoins à balbutier.

Je ne le connaissais pas du tout. Je ne l’avais jamais vu. J’avais été encore une fois trop naïve et trop idiote de croire que cela pouvait être un ami de mon mari ou de mon père. Il était trop jeune pour connaître mon père, à moins que ce ne fût son propre père qui l’envoyait. J’ignorais s’il était trop âgé afin de s’entendre avec Siegfried. En tout cas, je me dis soudainement que j’aurais du demander son nom de famille avant de le faire rentrer. Cela m’aurait peut-être évité cette situation. Je lui avais seulement posé la simple question de ce qu’il souhaitait en venant ici. Il ne m’avait pas vraiment répondu mais désormais, tout s’éclairait tellement bien que je n’avais pas besoin de l’entendre me le dire. J’avais compris. Je ne pouvais pas vraiment anticiper ce qu’il était capable ou non de me faire. Il était certainement possible qu’il annonçât tout ce qu’il savait à tout le monde. Ishtar saurait encore une fois tout ce que je tramais. Ou du moins, le plus important, l’adultère que j’allais commettre. Il ne devait pas parler. Cela aurait été catastrophique. Puis une idée me vint à l’esprit : il aurait déjà pu diffuser les informations sans venir ici. S’il était venu jusqu’à chez moi, c’était simplement qu’il désirait quelque chose de précis. Je me doutais tout de suite alors qu’il souhaiterait quelque chose en échange de son silence. Enfin espérons. Il fallait le faire taire. J’étais prête à l’entendre et à trouver un moyen de m’arranger avec lui. Il ne devait pas parler, un point c’était tout.


- Que voulez-vous vraiment ?

J’espérais qu’en posant cette question il me répondrait. Peut-être me dirait-il déjà ce qu’il attendait de ma part en échange du silence. Il était venu pour négocier, il n’y avait pas d’autres explications possibles. Je devais donc trouver un moyen de m’en sortir. Seule. Marius n’était pas là pour m’aider. Après tout, la lettre lui était destinée … »
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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyDim 24 Juil - 15:32

Comme c'était excitant ! Le ton menaçant que Zarnh avait employé avait eu exactement l'effet escompté. Il ne faisait aucun doute que sa mise en scène avait été efficace. C'était justement ce qu'il avait souhaité. Effrayer cette femme, la déstabiliser, la mettre en position de faiblesse. Ainsi, la peur prendrait le pas sur sa réflexion. Elle agirait de façon instinctive, pour se protéger, pour protéger son secret, et non de manière à trouver le moyen de renverser l'avantage en sa faveur. Le Sénateur de Semini en était parfaitement certain. La longue expérience qu'il détenait en la matière le rendait apte à anticiper les réactions de ses... "adversaires". Personne ne lui résistait. Van Lähre n'avait aucune chance de lui tenir tête. Zarnh était en position de supériorité. Il dominait avec aisance la situation. Et il ne cachait pas sa fierté. Pour lui, tout cela n'était qu'un jeu dont il se vantait d'être l'heureux gagnant. Le prince se sentait de plus en plus amusé, et trouvait l'action presque aussi distrayante qu'une partie de jambes en l'air.

Elle paraissait si faible, cette jeune femme à la chevelure azurée, presque tremblante, comme un petit animal fébrile face à son plus menaçant prédateur. Grâce à la pression qu'il exerçait sur son bras frêle, Zarnh sentait son pouls s'accélérer à une vitesse palpitante. Elle avait peur de lui, cela ne faisait strictement aucun doute. Non pas que cette idée l'attendrissait, non, pas le moins du monde, il était juste encore davantage... enthousiasmé. Les yeux de Van Lähre étaient fixés sur la lettre. L'obscurité du couloir dans lequel ils se trouvaient dilatait ses pupilles, lui donnant cet air de cabot triste et apeuré. Elle semblait avoir reconnu l'enveloppe que Zarnh lui présentait, le sourire aux lèvres. Et sa réaction était tout sauf rassurée.

- Qui … qui êtes vous au juste ?

Sa voix était tremblante et hésitante. Le prince y décelait une once de désarroi, mêlée à une crainte cette fois-ci non dissimulée. Manifestement, la jeune femme ne s'attendait guère à ce que sa lettre puisse tomber entre les mains d'une personne autre que celles de l'initial destinataire. Qu'avait-il donc pu se passer, pour qu'elle atterrisse entre celles de Zarnh ? Lui-même ne le savait. Pour la simple et bonne raison que l'auteur cette maladresse ne s'était point dénoncé. Alors que le domestique de la duchesse s'affairait à porter la lettre de sa maîtresse, un élément perturbateur inattendu et insoupçonné vint bouleverser la tâche qui lui avait été confiée. Un homme, particulièrement agité et courant comme s'il avait été poursuivi par le diable en personne, avait déboulé au croisement de deux ruelles. Le domestique des appartements Van Lähre, avait pour habitude d'emprunter uniquement des chemins peu fréquentés, pour minimiser ses chances d'être suivi ou filé par un individu indésirable. Jamais il n'aurait pu soupçonner que ce jour-ci, les choses seraient différentes, ni qu'un fugitif en cavale viendrait le bousculer si brusquement. Il avait été percuté avec tant de violence, qu'il s'était retrouvé allongé sur le sol, sonné. Son attention tournée vers l'homme qui l'avait renversé puis s'était enfui sans se retourner, le serviteur n'avait pas réalisé, à ce moment précis, que la lettre qu'il se devait de porter à Marius De l'Ombrage, venait de tomber de sa poche. Après quoi, quelques minutes après l'affaire, Zarnh avait retrouvé la dite enveloppe, qui s'était envolée et avait terminé sa chute devant la porte de sa demeure.

Zarnh souriait toujours. Il souriait, de ce même sourire troublant et mauvais, en dévisageant son hôte. Qui était-il ? Cette petite effrontée ne le savait-elle donc pas ? En plus de ne pas faire attention à ses affaires personnelles, elle était ignorante ? Le prince en était tout à fait stupéfait. Il ricana, discrètement, afin de ne pas attirer l'attention des éventuels domestiques présents dans les appartements de la duchesse, effectua une légère quoique ironique révérence, et repris, d'une voix espiègle.

« Zarhn Nocturnae, digne Sénateur de la province de Semini, pour vous servir... »

Le prince, qui tenait toujours le bras de la jeune duchesse, laissa glisser sa main jusqu'à la sienne, la tendit vers ses lèvres froides, et déposa un baiser aussi doux qu'une caresse sur le plat de la main de son hôte. Zarnh plongea son regard fourbe dans celui de la jeune femme, et fut à nouveau pris d'un rire malfaisant.

- Que voulez-vous vraiment ?

Ce qu'il voulait ? User de l'avantage qu'il détenait pour l'obliger à effectuer quelque chose pour lui, par l'Ombre ! C'était aussi simple que cela ! Cette fichue duchesse était-elle définitivement trop idiote pour comprendre les intentions du prince ?

« La question, ma chère, n'est pas de savoir ce que je veux vraiment... Mais plutôt de savoir ce que vous seriez prête à m'offrir en échange de... ceci.»

Zarnh agita à nouveau la lettre sous les yeux de la duchesse Van Lähre. Le ton du prince était ironique et... particulièrement effrayant.


Dernière édition par Zarnh Nocturnae le Mer 27 Juil - 10:21, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyLun 25 Juil - 11:14

« J’étais déjà bien trop angoissée et effrayée par la situation, mais ce qui arriva, fut certainement comme un coup de marteau qui venait de me tomber sur la tête. L’homme se présenta, après un nouveau ricanement qui ne me plut guère. Le nom fusa dans toute la maison et me transperça le cœur instantanément. Je fus comme paralysée, tellement j’étais horrifiée de la réponse. Mes yeux s’écarquillèrent encore plus et je restai sans voix. Je ne pus donc prononcer un seul mot pendant qu’il avait décidé de me faire le baisemain suite à sa présentation. Je trouvai cela bien osé de sa part, surtout qu’il en riait par la suite. Je détestais ces rires. Tout comme je fus, en quelque sorte, dégoûtée quand je sentis ses lèvres sur la peau de ma main. Je retirai immédiatement ma main car il m’avait tout de même laissé un peu de mou. Cela me permit de me libérer de son emprise sur le champ. Je la mettais derrière mon dos, et sans qu’il pût me voir, je l’essuyais contre ma robe. C’était certes impoli de ma part, mais je n’allais tout de même pas accepter d’être touchée par un Nocturnae. Sa sœur, je suppose, je ne la supportais pas du tout. Je ne voulais pas avoir à faire encore une fois avec cette famille totalement folle et malade. Ce que je regrettai énormément, mais je savais bien que ce n’était pas de ma faute, c’était justement qu’un Nocturnae fût tombé sur cette lettre. Une catastrophe.

- C’est D’Arken qui vous envoie, hein ?

Je posai cette question qui m’échappa de la bouche tout simplement. Depuis toujours, tout le monde connaissait le lien de la famille Nocturnae avec le Haut Prêtre. Cet homme aurait très bien pu demander mon adresse à Uriel, tout en lui racontant tout ce qu’il y avait dans la lettre. D’un côté, je me mettais à nouveau encore plus en position de victime. Je lui avais servi sur un plateau d’argent une de mes faiblesses. Sur le coup, je ne m’en rendis pas compte et j’ignorais totalement que j’allais en payer les frais. Désormais il savait que je craignais D’Arken. Si le Haut Prêtre l’avait envoyé suite à la lecture de la lettre, la catastrophe était encore pire que je ne pouvais l’imaginer. Je commençai donc à réfléchir à tous les événements qui pourraient se dérouler, suite à un ordre de l’ancien Régent. Toutes les pensées les plus inimaginables traversaient mon esprit et le torturaient en même temps. Si j’étais – peut-être, je l’espérais tout du moins – de convaincre cet homme de ne rien dire, il n’en serait pas de même avec le Haut Prêtre. Je me doutais bien qu’une deuxième erreur de ma part et dont la Marquis aurait vent, me serait fatale. Je serai au mieux bannie de la capitale pour toujours et une bonne fois pour toute. Au pire … je n’osais même pas imaginer.

Mais je compris, ou du moins fus un peu rassurée, lorsqu’il me proposa quelque chose en échange. Cela ne voulait probablement pas dire que D’Arken était mêlé à toute cette histoire. Heureusement. Bien évidemment, son rire me glaça à nouveau les veines et je le fixai avec des yeux effrayés. Rien ne me plaisait en cet homme. En plus, c’était à moi de lui proposer quelque chose afin de le satisfaire et de récupérer la lettre. Bien sûr des idées me passèrent par la tête. La première était totalement évidente. Je connaissais assez bien la noblesse désormais pour me douter de ce qu’il aurait souhaité de ma part. Néanmoins, c’était hors de question. Je n’avais pas du tout l’intention de le refaire encore une fois avec un homme qui m’était inconnu et qu’en plus de cela, je détestais. Parce qu’à cet instant, Zarnh avait vraiment tout pour me déplaire. Son nom de famille, son arrogance et ses rires. Je ne succomberai pas à un caprice de ce genre, de cela il pouvait en être sûr et certain. Je n’avais pas besoin à nouveau de me torturer la tête juste parce que j’avais subi une nouvelle fois un acte non consentant. Ce n’était pas mon but. Alors je réfléchissais à ce que je pouvais lui proposer d’autres. De l’argent, il en avait, il n’en avait donc pas besoin. Le pouvoir, je m’en doutais que c’était la même chose. Puis, il refuserait certainement, tout comme mon père. Je n’avais vraiment aucune idée de ce que je pouvais faire.


- Je l’ignore, mais vous, que souhaiteriez-vous par exemple ?

J’avais demandé cela par pure naïveté. Je n’étais pas sûre du tout s’il me répondrait ou s’il me demanderait de me creuser le cerveau pour trouver le meilleur moyen de le satisfaire. Par ailleurs, je n’avais pas vraiment envie de réfléchir plus que je ne l’avais déjà fait. Je n’avais finalement pas grand-chose à lui proposer. Et comme je l’avais déjà dit – ou plutôt pensé – il était hors de question que je fasse l’amour avec lui. Tout d’un coup, je sentis les regards des quelques domestiques de la maison, braqués sur nous. Désormais je me doutais bien qu’il ne pourrait pas me toucher sans avoir des témoins et surtout qu’il ne pourrait pas parler aisément. Mes domestiques avaient visiblement bien compris que je ne connaissais pas cet homme et qu’il semblait dangereux. Pourtant, ils ne firent rien, ils ne bougèrent pas. Ils n’osaient tout simplement pas se mettre en travers de la route de cet homme pour le moment. Ils avaient raison, certes, et ils m’étaient déjà assez utiles comme cela.

- Je vous propose de nous installer dans un petit salon à l’abri des regards et des oreilles.

Si je lui demandais cela, c’était tout simplement pour gagner du temps. Sur quoi ? Je n’en avais aucune idée en réalité. Mais pour quelques instants, j’étais un peu libre. Je commençai donc à marcher en direction des escaliers. Je prenais tout mon temps. S’il me pressait, je lui répondrai simplement que j’étais fatiguée car enceinte et que je ne devais pas être brusquée. S’il ne s’en préoccupait pas, ce que je craignais, j’aviserai … »
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Marius De l'Ombrage

Marius De l'Ombrage

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La lettre de la discorde (Marius, Elea) Vide
MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyLun 25 Juil - 20:49

Le jeune homme ouvrit doucement les yeux, et plusieurs fois de suite, il fronça les sourcils devant l'obscurité ambiante qui entourait cette chambre, toujours aussi pleine de poussière et sales. Il poussa un soupir, et remuant un peu, il se tourna vers Mist qui semblait encore dormir tranquillement près de lui ; il frotta son visage en écartant bien de lui toutes les questions dérangeantes qui prenaient comme sujet principal, sa relation bien plus qu’ambiguë avec son ami sourd-muet. Bien... ils dormaient ensemble, et parfois Marius se surprenait à prendre plaisir à le contempler dormir, oubliant que malgré son jeune âge, l'infirme restait l'Homme au Masque à Gaz, celui qui avait fait trembler l'Empire un an auparavant, car il avait manqué de peu de tuer l'Empereur. L'image de ce Mist qu'il avait autrefois admiré pour son désespoir empreint de folie lui revenait parfois, mais Marius ne pouvait pas s'empêcher de songer qu'il devait avant tout le protéger. Il se souvenait encore, et bien trop vivement de ce même Mist, recroquevillé au fond de la cellule, blessé, meurtri, l'ombre de lui-même, la langue tout juste tranchée. Malgré tout, malgré le récit de cet affreux séjour que le jeune homme lui avait fait, Marius restait hanté par ce souvenir qui avait marqué son âme de haine, et d'amertume.

Il espérait seulement que rien de mal ne lui arrive de nouveau, il voulait tellement l'en empêcher que ça devenait maladif chez lui. Il secoua la tête, et poussant un nouveau soupir, Marius se leva pour remettre correctement la couverture de laine sur le corps chétif de Mist. Il se rendit d'un pas le plus silencieux possible vers la table pour plonger ses mains dans une bassine d'eau plus vraiment claire, il s'en aspergea la figure, mouilla son cou, et prenant une vieille serviette traînant là, il s'essuya le plus brutalement possible, avant de remettre ses cheveux en ordre. Enfin, il enfila une chemise avant de promener son regard un peu partout, les rayons du soleil peinaient à filtrer derrière les énormes planches de bois qui barricadaient les fenêtres, la poussière recouvrait comme un manteau gris tous les meubles de la chambre, seules les couvertures semblaient y avoir échappé. Des traces de pas apparaissaient sur le chemin de la porte et du lit, plus celles de ses doigts sur la table, où la bassine remplie d'une eau grise reposait tranquillement, prés de l'ardoise de Mist.

Marius prit une craie pour souiller son noir d'une écriture blanche : « Je suis en bas, si tu veux me voir », et grattant l'arrière de son crâne, le jeune homme referma doucement la porte derrière lui, continuant de boutonner sa chemise tout en descendant les escaliers. La masure semblait encore plus terriblement froide et abandonnée que d'habitude, Magdra était absente, sans doute retournée chez elle (même si elle passait une grande partie de ses semaines ici), Alvaro était parti à Talaar pour affaire avec une grande poignée de ses hommes. Il ne restait que Marco, et Uergo qui allaient souvent dehors pour voler, ou pour aller boire à l'Oeil du Tigre, ainsi que Mist et lui-même, Alysse il la voyait peu aussi. Il marcha plusieurs fois tout autour de la table, les mains derrière le dos, pensif, Marius avait l'esprit occupé à ses habituelles intrigues concernant l'Empire. Comme le lui avait déjà faire part Mist, le plus utile serait de tuer l'Empereur lui-même, tant qu'il n'avait pas de descendance. Ils mettraient ainsi l'Empire dans une grande merde — pardonnez-lui l'expression, la vulgarité ne faisait pas partie de ses habitudes —, Mist avait raison, mais Marius ne savait pas encore comment atteindre ce souverain, dont il ne voyait jamais le visage, et dont il ne savait rien.

Il se laissa finalement tomber sur la chaise, et croisa les doigts pour les poser contre ses lèvres. Les sourcils froncés, le front ridé par ses pensées, le jeune homme ressemblait à un fantôme vêtu d'une chemise blanche et d'un simple pantalon noir, ici, dans cet endroit sombre et froid, toujours envahi par la poussière, vaillante conquérante qui remportait la victoire devant des hommes qui ne connaissaient pas l'usage d'un simple balai. Cependant, cet endroit était une cachette redoutable, personne hormis ceux portant le secret de ce réseau de contrebandier ne pouvait dire que l'abominable masure coincée entre deux bâtiments était en réalité habitée par trois terroristes, une grande rousse au caractère aussi fort que sa poitrine, et par un homme aussi maigre qu'un clou. Ce n'étaient que des âmes errantes, trouvant le repos dans cette masure malade comme le monde, et qui paraissait pouvoir s'écrouler à tout moment, toutefois, cette baraque était aussi solide que son propriétaire, Alvaro le chauve, chef des contrebandiers, et dont Marius était le second.

Il poussa un soupir, et secouant la tête, il réfléchit de nouveau ; une semaine auparavant, le jeune homme avait appris qu'un Bal masqué se tiendrait bientôt au Palais Impérial, un Bal masqué organisé par l'Empereur lui-même, et qui allait durer trois jours. Marius n'avait qu'une idée en tête présentement : pénétrer ce Bal, avec ses deux autres compagnons pour donner un grand coup de poing dans la face d'Uriel d'Arken. Il pouvait certes utiliser le Gaz Toxique pour cette soirée là, mais il doutait que ça marchât bien. Uriel d'Arken était quelqu'un aussi redoutable que puissant, et il refusait les meurtres gratuits, Marius voulait certes frappé un grand coup, mais pas de cette manière-là. Le tout était de savoir comment entrer là-bas, il refusait de demander ce service à Éléanor, ayant déjà conscience qu'elle pourrait le trahir par peur, ou qu'elle l'empêcherait de faire quoi que ce soit durant ce bal. Et puis, Marius avait le sentiment que si elle apprenait que Mist était à ses côtés, elle se montrerait moins douce, moins obéissante ; Marius avait bien remarqué qu'elle ne l'aimait pas pour une raison qu'il ignorait, lui, il voulait le protéger, même s'il devait en mourir.

Il poussa un soupir, et se laissant aller contre le dossier, Marius ne paraissait pas en si bonne santé que ça ; il mangeait très peu, et dormait très peu aussi... quoique depuis qu'il dormait près de Mist ceci se soit un peu amélioré, il écarta encore une pensée dérangeante, et une main sur la table, il resta un bon moment de la sorte à essayer de trouver une solution. Nouveau soupir, et il posa ses grands yeux bleus rougit par la fatigue sur le mur, son visage était encore plus pâle qu'avant, des cernes s'étaient creusé sous sou regard, et il semblait être sur le point de s'écrouler à tout moment ; le souci avec lui, c'était qu'il n'écoutait pas les besoins de son corps, et qu'il perdait goût à la nourriture, il voulait se rapprocher de son objectif, et ça le tuait tout doucement. Marius ferma un peu les yeux, le temps de faire le vide dans sa tête, et manqua de tomber de sa chaise, lorsque soudain, Marco apparut, le visage plein de terreur. Marius se tourna vers lui, et d'une voix lasse, il demanda :

— Que se passe-t-il ?
— On est venu à l'Oeil du Tigre pour te donner un message, le voici.

L'homme lui jeta presque la lettre à moitié froissée, et soupirant, songeant que ce devait être simplement la lettre d'Éléanor, Marius en lut le contenu. Sa main froissa le papier, tremblant, il pesta entre ses dents, merde ! Comment avait-elle pu faire une telle erreur ? Comment son domestique avait put-il faire une bêtise de cette ampleur ? Il pesta entre ses dents, le sentiment que parfois, il collaborait avec des incapables. Il donna un coup de poing sur la table, la lettre abîmée dans sa main, il monta à l'étage sans prononcer le moindre mot, Marius était tendu, raide comme un cadavre, et l'angoisse courait dans ses veines. Il chercha dans un placard divers vêtements, et déguisement surtout, il devait reprendre le rôle de Léonard, le jeune bandit amoureux d'une domestique de la Duchesse, et ami d'enfance de celle-ci.

Et Léonard n'avait pas les cheveux gris, il était blond ; Marius saisit une perruque justement blonde, et allant dans la salle de bain, il mit plusieurs minutes pour donner l'illusion que sa chevelure n'était pas grise, mais bien blonde. Il encadra son visage de mèches pour lui donner un air non pas froid comme à l'accoutumée, mais de gentil garçon un peu naïf, ça marchait souvent, ce rôle. Il passa une main sur son visage, faisant preuve d'un sang-froid qu'il perdait rarement, soumis au stress, il ouvrit un bouton de sa chemise, releva son col, et retroussa ses manches pour donner l'impression qu'il venait tout juste de sortir d'un travail quelconque. Il revint en bas, et alla jusqu'à la cheminée pour fourrer ses doigts dans la suie, il en mit un peu sur sa chemise assez abîmée depuis le temps. Ainsi, Marius donnait l'illusion parfaite que Léonard était venu, totalement précipité de son travail un peu physique pour sa stature, la suie sur sa chemise pouvait faire croire par exemple qu'il était ramoneur, il en rajouta sur sa joue.

Il devait inspirer la confiance, et rien d'autre que de la confiance. Il prit un papier et un crayon pour indiquer à Mist la situation, et demanda à Marco de le lui apporter en haut, puis Marius sortit en silence de la masure. Poussant un soupir, il fourra ses mains dans les poches et marcha de la sorte plusieurs minutes, sentant contre son talon la lame de son poignard, depuis le temps, une marque était apparue sur sa cheville. Il haussa les épaules, et fronçant les sourcils, le jeune homme se mit à courir à vive allure, tout ceci pour jouer le rôle de l'ami d'enfance s'étant précipité pour protéger son amie, dont il ne ressentait rien d'autre que de l'amitié. La sueur ne tarda pas à venir envahir son visage, glissant entre ses omoplates, elle colla sa chemise contre sa chair, et il manqua de tomber, lorsqu'il parvint jusqu'aux Appartements de la Duchesse.

Il frappa nerveusement à la porte, essouflé, il pénétra à l'intérieur sans reprendre son souffle, lorsqu'on vint lui ouvrir. On le conduit là où son amie et l'autre se trouvaient, et sans les regarder, le corps secoué de tremblement, le coeur battant, il baissa la tête pour essayer de calmer sa respiration haletante, sans y parvenir, il cria d'une voix étouffée :

- Éléanor ! Par l'Ombre, que se passe-t-il ?

De là à savoir si la peur transperçant son visage était jouée, ou la vérité...
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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyMer 27 Juil - 9:26

- C’est D’Arken qui vous envoie, hein ?

Cette fichue duchesse était soit incroyablement stupide et incapable d'analyser avec pertinence une situation quelconque sans se tromper du tout au tout, soit elle jouait un rôle à merveille. Mais quelle aurait été l'utilité de mettre Zarnh dans une rogne encore plus prononcée qu'auparavant, à moins d'avoir une envie précoce de finir six pieds sous terre ? Aucune, oui. Le Sénateur était quelqu'un de susceptible, d'impulsif et de de hargneux, qu'il valait mieux éviter de mettre en colère, et ça, le commun des mortels le savait. Les rumeurs et les histoires circulaient à une vitesse ahurissante dans la Capitale, et nombre de ses habitants avaient eu vent des agissements exagérément violents du Sénateur de Semini, ce pourquoi la plupart d'entre eux se gardaient bien d'essayer de lui tenir tête. Mais non, cette Elea, était décidément bigrement idiote. Et accessoirement à côté de la plaque, de plus. Pourquoi diable pensait-elle qu'il avait été envoyé par quelque supérieur lambda ? Zarnh était bien capable de prendre lui-même des décisions, et cela se voyait bien à son allure, par l'Ombre ! Il n'avait jamais eu besoin de mentor ou de qui que ce soit d'autre pour le guider ou l'amener à faire quelque chose pour lui. Il n'était envoyé par personne, si ce n'était lui-même !

Certes, les Nocturnae connaissaient plutôt bien D'Arken, de part leur statut élevé dans la hiérarchie sociale de l'Empire. Le père de Zarnh, très discret sur ses agissements et le pouvoir qu'il exerçait sur la loi et le peuple d'Ishtar, était souvent amené à se rendre dans la Capitale pour discuter de choses fort mystérieuses aux yeux de son fils, en compagnie du Haut-Prêtre. Par conséquent, le prince, lui, n'était pas particulièrement au courant de l'influence que sa famille possédait sur l'élite la plus haute de l'Empire, et n'avait donc aucune raison d'y être soudainement mêlé. Non, sa venue auprès de Van Lähre était purement volontaire. Il avait trouvé la lettre égarée, l'avait lue, l'avait analysée avec une concentration extrême, et avait su en tirer avantage aux dépens de la jeune duchesse. Et la voilà qui tremblait de peur, la pauvre petite, effrayée par la domination de celui qu'elle avait naïvement invité à entrer chez elle, sans la moindre once de jugeote pour lui demander de quoi sa visite relevait.

« D'Arken n'a rien à voir avec ça. »

Zarnh n'ajouta pas le moindre mot. Cela faisait partie de sa stratégie. Se montrer énigmatique, afin de faire flancher Van Lähre davantage. Le jeune homme était encore plus glacial qu'auparavant. Cette fois, il ne souriait plus. Il ne riait plus. Il était sérieux, et... nettement plus effrayant. Ce petit jeu avait assez duré, il était temps de parler de choses plus importantes. Zarnh avait bien préparé le terrain, avait déstabilisé son adversaire avec brio, l'avait mis en position de faiblesse, mais maintenant il devait rentrer en jeu, et ne pas rater son entrée. A présent, il allait montrer les crocs, être incisif, intransigeant. Mais le prince savait d'avance qu'il obtiendrait ce qu'il souhaitait. Après tout, si Van Lähre avait l'inconscience de lui refuser quoi que ce soit, le Sénateur ne se ferait pas prier pour dévoiler cette lettre au grand jour. Et qui sait ce qui aurait pu advenir d'elle à la suite d'un tel acte ?

Zarnh n'avait pas encore d'idée précise de ce qu'il pourrait faire de la jeune duchesse. Que pouvait-elle bien lui apporter qu'il ne possédât déjà ? Du pouvoir, il en avait. Sa famille régnait en maître absolu sur Semini depuis des générations, et sur ce point, Van Lähre devait lui être bien inférieure. C'était une noble, certes, mais une faible noble. Et les faibles n'avaient pas de pouvoir. Les faibles ne valaient pas mieux que les clochards, ils étaient seulement bon à se lamenter sur leur propre sort. Non, Van Lähre ne lui serait décidément d'aucune utilité sur ce point. L'argent ? Zarnh était l'un des glorieux héritiers d'une fortune familiale inestimable. L'argent était bien la dernière chose dont il nécessitait. Des biens ? Le prince n'avait pas vraiment idée de ce dont la duchesse et sa famille avaient en leur possession. Peut-être cachaient-ils un objet d'une grande valeur quelque part, un objet rare, méconnu, et qui pourrait se révéler très utile si on l'avait en sa possession ? Zarnh en doutait. Si tel était le cas, Van Lähre se serait précipitée pour le lui proposer en échange de son silence. Non, elle n'avait rien. Rien qui puisse l'intéresser. Par l'Ombre !

Le jeune homme était dubitatif. Adossé à l'un des murs du couloir sombre dans lequel les deux personnages s'étaient engouffrés un peu plus tôt, il fixait son hôte d'un regard impénétrable. Plus aucune expression connue ne se lisait sur ses traits. Zarnh était devenu subitement beaucoup plus mystérieux. Mais il gardait cet aspect ferme, menaçant, et présentant un potentiel danger. Il ne cessait de braquer les yeux sur la duchesse. Elle était jeune, plus jeune que lui. Elle était aussi d'une beauté troublante, singulière, et qui plaisait au Sénateur. La voir ainsi, tremblante de peur, le regard fuyant, la respiration haletante, acculée au mur, et en grande position de faiblesse, faisait monter en lui une sorte d'excitation démente. Il pouvait la contraindre à se donner à lui, s'il le souhaitait. Il n'aurait même pas eu besoin de cette fichue lettre pour le faire. Il aurait pu le lui ordonner, sur le champ, mais il devait rester concentré sur sa tâche première, et réserver ses désirs pour plus tard. Zarnh ne répondit pas à la seconde question de la duchesse. il se contenta de la dévorer du regard, de la dévorer tout entière comme un prédateur saliverait devant sa proie, ses lèvres s'étirant en un sourire pervers.

Van Lähre devait être particulièrement déstabilisée, car de suite, elle proposa au Sénateur de s'isoler à l'abri des regards des domestiques. Zarnh avait complètement oublié leur présence. Cela ne le gênait guère d'être entendu, ou même vu. Il savait que s'il avait décidé de laisser ses envies prendre le pas sur sa réflexion, aucun d'entre eux ne serait intervenu. Le prince emboîta le pas de son hôte, lui laissant peu d'avance. Il lui empoigna à nouveau fermement le poignet pour l'empêcher de lui échapper. Elle aurait pu prévenir quelqu'un qui se trouvait dans la bâtisse, et renverser la situation en sa faveur. Il n'en était pas question. Zarnh prit donc ses précautions, et décida de la garder durement sous contrôle, comme un maître tiendrait son chien en laisse. Elle se dirigea vers les escaliers. Le prince la suivit, et ils débouchèrent sur un petit salon, meublé de quelques causeuses et fauteuils. Zarnh qui ne relâchait pas son emprise, contraignit la duchesse à se laisser de force tomber dans l'un des fauteuils. Il lui adressa un autre de ses sourires mauvais, et s'assit lentement, face à elle, sans la quitter du regard. Il était inévitable qu'elle comprendrait ce que le Sénateur attendait d'elle. Deux options s'offraient maintenant à elle. Elle pouvait se soumettre, et laisser Zarnh faire ce dont il brûlait d'envie, ou se creuser la tête pour lui proposer quelque chose qui aurait pu l'intéresser davantage. Et la deuxième option ne serait pas la plus simple...

Soudain, la porte de la pièce s'ouvrit avec violence. Un homme blond déboula, un petit gringalet ridicule, qui hurla d'une voix haletante quelques mots inutiles. Zarnh retint un rire perçant. Il porta la main à sa bouche, tout en regardant avec un sourire moqueur cet espèce de travesti maigrichon qui se tenait dans l'encadrement de la porte. Alors c'était ça, les renforts envoyé par la duchesse ? Un pathétique gamin ? Et bien, cette escapade dans les appartements Van Lähre valait le coup, décidément !

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Eleanor van Lähre
Mort(e) tragiquement

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La lettre de la discorde (Marius, Elea) Vide
MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyJeu 28 Juil - 17:47

« Je marchai à nouveau comme tout à l’heure. J’avais simplement l’intention d’atteindre les escaliers pour monter dans le petit salon où je recevais les invités en règle générale. Je ne m’attendais encore une fois pas du tout à ce qu’il ferait. Bien sûr j’aurais du m’en douter. J’étais, comme la première fois, devant lui et je ne pouvais pas voir ni prévoir ses gestes. Alors lorsqu’il m’empoigna encore une fois le poignet, je fus tout aussi surprise que la dernière fois. En plus, cette fois-ci je ressentis rapidement la douleur. Il me serrait tellement fort que cela me faisait énormément mal. Je grimaçai alors tout de suite et je souhaitais me plaindre et tenter de me défaire encore une fois. Mais je n’eus pas assez de temps puisqu’il m’emboîta le pas sur le champ et m’obligea donc par la même occasion de continuer ma route. J’étais sûre et certaine qu’au moment où il lâcherait, mon poignet serait rouge. Malgré la douleur, je continuais à marcher, poussée par la vitesse de Zarnh. Je n’arrivais vraiment pas du tout à m’imposer. Mais comment pourrais-je contrecarrer la force d’un homme, en plus qui était plus âgé que moi ? Aucune chance.

Je montai donc les escaliers aussi lentement que je pouvais puisqu’il me pressait sans cesse. Cela me mettait un peu en colère tout de même. Surtout que la douleur augmentait plus le temps passait. Certainement un moyen de m’obliger inconsciemment à me dépêcher. Je n’avais donc pas vraiment le choix. Si je voulais que cela s’arrêtât, je devais tout simplement ne pas le contrarier, à savoir marcher plus vite que je ne le faisais. Une fois là-haut, la porte du salon était juste en face. Une servante me vit tout de suite car elle se trouvait juste à côté. Elle se pressa afin de nous ouvrir la porte sans même remarquer que le sénateur me tenait le poignet. Je la remerciai et lui demandai d’apporter, comme d’habitude, les biscuits et le thé. Bien sûr il était l’heure du dîner, mais cela n’importait peu. Il fallait quand même bien recevoir les autres, même s’ils n’étaient pas les bienvenus, comme Zarnh. J’entrai alors dans le salon et m’asseyais sur un des canapés. Bien évidemment, je fus toujours et encore tenue. Il ne me lâchait pas encore et forcément, je l’obligeai en même temps à s’asseoir près de moi. Je soupirai longuement en m’asseyant et surtout, je détournai mon regard vers la petite table pour ne pas voir les yeux du sénateur. Je me doutais bien qu’il souriait toujours et encore et je détestais la lueur qui existait dans ses yeux. Elle me faisait peur et parfois, j’avais vraiment envie de frissonner.

Il se trouvait face à moi et je ne supportais plus du tout son sourire qui me semblait vraiment si pervers. Il attendait certainement que je réagis. Il désirait obtenir de moi quelque chose que je ne pouvais pas lui offrir. Ou du moins, je ne souhaitais pas lui offrir. Je n’avais vraiment pas du tout envie d’être encore une fois contrainte. Ma première et unique fois s’était déroulée d’une façon très mauvaise. D’ailleurs, à propos, je n’avais toujours pas obtenue la vérité de la part de mon mari en ce qui concernait cette soirée-là. C’était quelque part frustrant. Tout comme être vue comme un morceau de viande que l’on pouvait manger dès que l’envie prenait. Ce n’était pas la première fois que j’étais aussi regardée. Ma beauté était reconnue dans de nombreuses provinces et probablement même dans la capitale. Je savais bien que j’attirais les hommes. Mais cela ne changeait pas le fait que cela me dérangeait beaucoup. Bien sûr, un regard dans la rue, même prolongé, ce n’était pas du tout pareil que lorsque je me retrouvais avec l’homme qui me fixait, juste en face de moi. Je commençai vraiment à me sentir mal à l’aise. Je détestais être dévorée du regard de quelqu’un, comme s’il m’analysait ou m’imaginait nue. Je ne désirais vraiment pas du tout connaître ses pensées à cet instant tellement j’étais gênée.

Tout d’un coup, la porte du salon s’ouvrit et je fus tout aussi surprise que Zarnh. Je ne m’attendais pas du tout à une nouvelle visite. Quelque part j’espérais énormément que ce fût mon père ou Siegfried, avertis par les domestiques, une fois rentrés de leur journée. Mes yeux s’écarquillèrent donc lorsque je vis Marius passer la porte. C’était vraiment la cerise sur le gâteau. La venue de mon ami avait été plus qu’impossible. Il avait reçu le message très rapidement, visiblement. Je fus tout de suite très contente et même presque rassurée. Je ne serai plus seule désormais. J’avais déjà moins à craindre à cet instant. Je souris tout de suite mais je ne pouvais pas non plus montrer mes sentiments. Je perdis donc consciemment le sourire et regardait la réaction de Zarnh tout simplement. Mais je ne m’attendis pas du tout à cette manière de réagir. Il n’avait pas perdu ce sourire qui me dérangeait tant. J’avais même l’impression qu’il fut plus important. Quelque chose trottait dans son esprit et je n’aimais pas du tout cette situation. Je remarquai qu’il me tenait toujours et encore le poignet. Cette fois-ci, la pression était moindre alors la douleur n’était plus aussi forte. J’étais tout de même encore un peu prisonnière de cet homme.

J’entrepris alors de répondre à Marius. Mais je ne savais pas ce que je pouvais lui dire ou non pour ne pas trop mettre en colère le sénateur. Je m’imaginais bien qu’il ne serait pas content si je dévoile tout. En plus, je notai le fait que j’avais probablement écrit le surnom de Marius dans la lettre et que si je prononçai ce dernier, Zarnh aurait tout de suite la puce à l’oreille. Je ne pouvais donc pas me permettre de lui tendre cette information sur un plateau d’argent. J’avais déjà fait trop d’erreur pour continuer. Je tentai donc de me souvenir le prénom que nous avions utilisé pendant qu’il se trouvait à la maison pour tenter de faire en sorte que le sénateur Hector de Jadewood se joignît à moi. Cela faisait déjà quelques mois et donc j’eus un peu de mal. Je feintai alors de paraître la plus ébahie possible, comme si je n’en revenais pas du tout. Je me rendis alors compte que nous n’avions pas vraiment utilisé d’autres prénoms. J’étais dans l’impasse mais je ne pouvais pas non plus rester trop longtemps sans rien dire.


- Mon frère, tu es enfin rentré ! J’attendais ton retour avec impatience !

Je me doutais que Zarnh ne croirait pas du tout que Marius pût être mon frère. Cela ne changeait pas grand-chose. Je pouvais très bien au moins lui faire croire que j’étais très proche de mon ami, tellement que je me permettais de l’appeler comme cela. J’attendais maintenant ce qu’allait donner la rencontre entre les deux hommes. »
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Marius De l'Ombrage

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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyJeu 28 Juil - 20:07

Le gringalet en question serrait le poing contre la porte, le corps secoué de frisson, il haletait comme un chien qui aurait échappé aux coups d'un maître particulièrement sadique, sa poitrine se soulevait et se baissait, au rythme des battements effrénés de son coeur. Il serra les dents, et fixa longuement les chaussures, comme si quelque chose venait de subitement l'envoyer à des réflexions sombres, Marius se maîtrisait. Il passa une main nerveuse sur son visage plein de sueur, faisant grossir la grosse tâche de suie sur sa joue, et relevant enfin la tête, il posa aussitôt son regard sur la Duchesse. Il vit son sourire soulagé apparaître et disparaître, de même qu'il remarqua la lueur apeurée gesticulante dans son regard, il serra les dents, et toussotant, le jeune homme fit quelque pas, et s'arrêta dés qu'il aperçut la sombre silhouette de l'homme prés de son amie.

Son sang se glaça dans ses veines, non pas d'effroi, mais bien de colère, lorsque le jeune homme reconnut simplement Zarnh Nocturnae. Comment était-ce possible ? Simplement parce que cet homme était assez connu dans l'Empire aussi bien pour son charisme que pour son âme pourrie jusqu'à la moelle, et Marius avait déjà eu l'occasion de rencontrer la famille Nocturnae. Les De l'Ombrage était assez influent en tant que nobles fanatiques et incestueux pour les approcher un peu, et même si le jeune homme n'avait jamais rencontré en personne Monsieur le Sénateur, il avait déjà vu un de ses frères pour le reconnaître. L'aura sans doute de cette famille bien particulière jouait assez dans cette reconnaissance, il avala sa salive, et frémit lorsque la jeune femme le désigna comme « son frère », il la regarda l'espace d'une seconde avec incertitude, et haussant les épaules, il fixa de nouveau Zarnh.

Il ne le connaissait pas, mais en moins d'une minute, ce dernier fut haït de Marius, quelque chose de malsain et de terrible se dégageait de ce plutôt bel homme, quelque chose qui lui rappelait son frère Salomon, et il détestait cette arrogance que les deux possédaient. Eh bien ! Quelle aptitude adoptée ? Pendant une autre minute, le terroriste paru s'être retrouvé ici par erreur, presque comme un animal farouche et déboussolé, Marius recula et baissa les yeux, comme s'il allait présenter des excuses au Sénateur. Après tout, il pouvait deviner que ce dernier allait en rire, et que ça lui plairait de garder le rôle de « dominant », voilà un homme qui se serait bien entendu avec Salomon, mais aussi avec l'époux d'Éléanor.

Tous ces « mâles dominants » voulant prouver qu'ils en avaient une plus grosse avaient une fâcheuse tendance à agacer Marius, et ce dernier leva un sourcil, lorsqu'en fin, il remarqua que Zarnh serrait non sans fermeté le poignet de son amie. Et comme ce dernier semblait le juger pour un pauvre abrutit freluquet, il allait lui donner ce qu'il voulait ; en temps normal, Marius n'aurait pas bougé, mais Zarnh attendait sans doute de lui une réaction tout aussi paniquée que celle de la jeune femme. Il tripota quelques secondes un bouton en haut de sa chemise, et serrant les dents, son regard se fit soudain plus dur, il fixa froidement Zarnh comme s'il avait en face de lui la créature la plus immonde ; ce qui n'était pas très exact, car le plus ignoble homme que Marius connaissait, c'était Uriel d'Arken, et son frère.

Il serra le poing jusqu'à sentir ses ongles s'enfoncer dans sa peau, il trembla, et grondant entre ses dents comme un petit chien, il agit exactement comme Zarnh l'aurait sans doute voulu : de manière impulsive et irraisonnée. Il fondit presque sur son amie, et la tira hors de la portée de l'homme. Ainsi... non seulement il se montrait con et gamin, mais il installait une sorte de périmètre de sécurité entre Zarnh et Éléanor, Marius le sentait violent, et vicieux. Il se mit entre elle et lui, et d'une voix tremblante, comme s'il avait aussi peur qu'il fût en colère :


— Ne vous approchez pas d'elle ! Moi, Léonard, ramoneur, je ne vous le permettrai pas !

Ridicule... n'est-ce pas ? Oh... Marius en avait parfaitement conscience, tout comme il savait que lorsqu'il se montrait trop sérieux, on le prenait de haut. Le jeune homme avait assez de jugeote pour se servir de ses faiblesses : Zarnh était un peu plus grand que lui, et surtout : il était mieux nourri. Cependant, ce que Marius ne possédait pas en muscle, il le compensait en agilité. Zarnh était un vicieux manipulateur, et lui, il n'était rien d'autre qu'un gamin frigide, et frêle. Pourtant, le monde de la Contrebande lui avait appris bien des choses, notamment le fait de se servir de tout et n'importe quoi pour se défendre, ou de se donner le rôle du grand défenseur de la veuve et de l'orphelin lorsque c'était nécessaire — et que de toute façon, Marius était de par sa nature de Chevalier Blanc grotesque —, il mordilla ses lèvres et serra encore plus fort que Zarnh la main de la jeune femme.

Il continuait de fixer avec une colère froide comme Dargon l'homme, et ce n'était qu'une façade ; certes, Marius était en colère contre cet homme, cependant, il jouait le rôle du pauvre « frère ramoneur » et ridicule pour le mettre en confiance, ça voulait dire : pour que Zarnh continuât à le prendre de haut. Mais surtout... il était en train de décider si Léonard le ramoneur avait assez de culture générale pour savoir qui se trouvait en face de lui... et finalement, il choisit que non. Il se calma un peu, et secouant la tête, il cracha presque, le corps tendu et raide comme celui d'un cadavre :


— Qui êtes-vous ? Que lui voulez-vous ?

Et Marius fit un pas en avant, comme s'il tentait d'avancer sa domination sur la situation, même s'il décidait pour l'instant Zarnh mener la danse, il lui ferait simplement faire un faux pas.
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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyDim 31 Juil - 15:19

Frère ? Léonard...? Ramoneur...?! Zarnh luttait de toutes ses forces pour ne pas éclater de rire. Il était clair qu'on se moquait ouvertement de lui, cela ne faisait strictement aucun doute. Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître de sa part, sa réaction fut tout à fait différente de ce que l'on aurait d'ordinaire pu attendre de lui face à une telle situation. Non, le prince n'entra ni dans une colère noire, ni ne rétorqua quelque remarque désobligeante à l'intention des deux protagonistes, ni ne dégaina quelque arme que ce soit pour réduire à néant tout ce qui était encore vivant dans la pièce. Il était d'un calme inhabituel, et fort appréciable. Malgré son envie irrésistible de se laisser prendre au rire, il était aussi limpide que l'eau d'un lac en plein été. Lui qui pensait la famille de la duchesse assez aisée pour se payer une garde rapprochée efficace, il avait visiblement fait erreur. Comment Van Lähre avait-elle pu se montrer assez stupide et effrontée pour croire un seul instant qu'un gamin plus fin qu'une brindille pouvait espérer lui tenir tête l'espace même d'une fraction de seconde ? C'était pathétique, risiblement pathétique.

D'ailleurs, ce n'était même pas un soldat ou un mercenaire de formation, non, c'était un vulgaire ramoneur ! Un inutile ouvrier qui passait ses journées au milieu de la crasse, de la cendre et de la suie ! C'était un manant qui baignait dans la saleté, un pauvre gamin qui n'était bon qu'à nettoyer ce que les riches voulaient bien lui mettre entre les mains. Il était encore couvert de saletés, le misérable, et il osait se présenter ainsi devant le Sénateur de Semini ? Mais... Il y avait quelque chose qui clochait, dans toute cette absurde histoire, c'était évident. Ce fameux Léonard, était celui auquel Van Lähre s'adressait dans la lettre que Zarnh avait un peu plus tôt trouvée dans la rue. Un ami d'enfance, d'après ce que le prince avait pu comprendre. Alors, pourquoi l'appelait-elle donc son frère ? Et pourquoi, par l'Ombre, aurait-elle un frère ramoneur, elle, duchesse, et fille d'un Duc Gouverneur ? Tout cela était insensé. Le prince n'était pas dupe. Il savait d'expérience reconnaître les menteurs. Et il réservait un sort tout particulier à ceux qui tentaient de le berner...

Zarnh fronça les sourcils. Le front plissé, le regard inquisiteur, il regarda à tour de rôle Van Lähre et le le minable gringalet. Il aurait pu se lever, achever cet imbécile, et réserver à la duchesse le châtiment qu'elle méritait, mais il n'en fit rien. Il ne devait pas s'égarer de son but premier, à savoir effectuer un marché intéressant en échange de cette lettre à la noix. Il parvenait à ressentir une certaine tension dans la pièce, émanant à la fois de la jeune femme et de son prétendu sauveur. Ils étaient effrayés, sur les nerfs, l'un tout autant que l'autre. Ils ne pourraient continuer à lui résister très longtemps. Le prince avait plus d'un tour dans son sac, et ce n'était pas un vulgaire ramoneur qui allait réussir à lui mettre des bâtons dans les roues, et sûrement pas maintenant.

Son coude appuyé sur le rebord droit du fauteuil dans lequel il était affalé, Zarnh laissait sa tête reposer sur la paume de sa main, dans une position qui témoignait admirablement bien de son ennui et de son désintérêt de plus en plus flagrant. Ses réactions et ses paroles se montraient tardives, et le Sénateur savait tirer avantage de sa lenteur volontaire pour faire monter davantage l'angoisse en ses adversaires. Plus ils réfléchiraient sur la situation, plus ils seraient effrayés, et mieux Zarnh pourrait les utiliser avec aisance. Enfin, après quelques minutes de silence, le prince leva mollement sa main libre, et désigna d'un geste d'une lenteur presque apathique le freluquet à tignasse blonde.

« Ramoneur, hmm ? Et qu'espères-tu mon garçon, m’impressionner ? Me déstabiliser ? Me faire prendre mes jambes à mon cou ? »

Plus Zarnh parlait, plus son ton devenait sec et cassant. Il se sentait supérieur à ce gamin, supérieur en tous points. Il était plus âgé, plus fort, plus expérimenté, plus intelligent, et bien entendu, plus beau que lui, même si ce critère ne lui serait pas d'une grande utilité dans cette situation. On sentait clairement dans la voix du Sénateur une sorte de mépris, voire de dégoût, envers cet inconscient personnage qui osait se tenir face à lui sans la moindre pudeur.

— Qui êtes-vous ? Que lui voulez-vous ?

Encore un énième inculte ! Zarnh était désespéré de voir que si peu de gens avaient un minimum de connaissances pour reconnaître ceux qui siégeaient au Sénat. Les Sénateurs étaient des personnes d'une importance capitale pour la communauté de l'Empire, et paradoxalement peu de gens semblaient finalement leur accorder la moindre attention. La politique était-elle si futile pour les habitants d'Ishtar ? Finalement, l'opinion du prince sur les citoyens lambda ne fut que renforcée davantage. Ils étaient tous stupides, et inutiles à la société. Ils n'étaient qu'un ramassis d'incapables, sans la moindre éducation ni capable de montrer le moindre signe d'engagement politique.

Zarnh tourna la tête en direction de Van Lähre. Elle qui avait tant tenu à ce qu'un ramoneur vienne prendre sa défense, joue le Chevalier Blanc, prêt à se porter au secours d'innocents, elle n'avait qu'à lui expliquer elle-même pourquoi elle avait invoqué sa présence !

« Allez-y duchesse, expliquez-lui, vous qui êtes si futée... »

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Eleanor van Lähre
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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyDim 31 Juil - 21:30

« Mon ami réagit comme je ne m’y attendais pas du tout. Il bondit sur le sénateur et moi, nous sépara avec une rapidité effroyable et me tira afin que je me levasse. Propulsée, je ne pus donc pas rester assise. Il se mit entre moi et Zarnh. Ile me protégeait de ce dernier et installait une certaine limite de sécurité. Tout cela se déroula si rapidement qu’au début j’eus vraiment du mal à comprendre. Je mis une petite seconde avant de reprendre mes esprits et saisir la situation. Enfin, j’entendis le nom qu’il ne devait pas prononcer sortir de la bouche de Marius. Tout d’un coup, je priais afin que le sénateur ne fît pas le rapprochement avec l’homme auquel j’envoyais la lettre. Quelle bêtise il avait commise ! J’avais certainement très peu d’espoirs que ceci ne passerait pas inaperçu. Je souhaitais me taper la tête, ou faire autre chose pour montrer à Marius qu’il n’aurait jamais du prononcer son surnom. Pourtant je ne fis rien puisque je savais parfaitement que cela mettrait la puce à l’oreille de Zarnh. Un silence s’installa alors pendant lequel j’ignorais totalement ce que je pouvais faire. Je finis tout de même par m’accrocher aux vêtements de Marius, pour me rapprocher de lui et comme si je souhaitais me cacher, croyant que de cette manière je serais moins en danger. Ses vêtements n’étaient certes pas les plus propres et je sentais sa sueur sur sa chemise, mais cela ne me dérangeât pas du tout sur le coup.

Le sénateur se mit à parler. Je frissonnai tellement je fus surprise par cette voix si froide et sèche. Je ne supportais plus du tout la façon dont il s’exprimait. J’avais tout simplement envie de lui rétorquer, mais j’étais en position de faiblesse, malheureusement. Cela me montrait en même temps que Zarnh n’était pas un homme doux et gentil, bien au contraire. Sa froideur et sa méchanceté me tiraillaient puisque je ne pouvais pas saisir la raison pour laquelle les personnes se comportaient de cette manière là. Je ne me préoccupais pas du tout de ses paroles puisqu’il parlait à Marius plutôt qu’à moi. Bien sûr, les mots me parvenaient mais sortaient tout de suite par ma deuxième oreille. J’attendais simplement que mon ami réagît. Il était là pour me protéger – du moins je l’espérais – et donc je n’étais plus censée vraiment intervenir. Marius cria à son tour. Ainsi lui non plus ne le connaissait pas. Non pas que je me doutais qu’il pût savoir qui Zarnh était, mais il aurait tout de même put. Marius connaissait beaucoup de personnes, les rumeurs lui parvenaient très rapidement. S’il savait exactement qui était le sénateur, j’étais sûre et certaine qu’il possédait des rumeurs à son sujet.

Tout d’un coup, ce fut mon prénom qui fut prononcé et que j’entendis sortir cette fois-ci de la bouche de Zarnh. Je frissonnai à nouveau. La façon dont il l’avait dit ne me plut guère. C’était vraiment très étrange. En tout cas, vu qu’il s’adressait à moi cette fois-ci, je relevai un tout petit peu la tête. Après tout, Marius était un peu plus grand que moi et me dépassait donc. Je fis comme si je m’intéressais à ce qu’il disait. Il me pria alors de le présenter à Marius. Je rougis tout de suite, me reculai alors que mon ami se tournait vers moi. Je ne remarquai pas du tout son expression sur le visage puisque j’avais la tête baissée et que mes yeux regardaient le sol. Pourquoi souhaitait-il que ce fût moi qui le présentait ?


- C’est … le sénateur de Semini, dis-je avec un peu d’hésitation avant d’ajouter tout simplement : Zarnh Nocturnae, frère d’Azhran Nocturnae.

Je me doutais bien que Marius allait être étonné. Je n’osais donc regarder aucun des deux hommes. Lorsque je prononçai le nom du sénateur, j’avais pris une certaine expression de dégoût. En même temps, je pensais à cette femme qui avait tout fait raté. Enfin pas elle personnellement mais elle y était pour quelque chose tout de même. Ses relations avec le Haut-Prêtre et les plans de sa famille étaient les raisons les plus évidentes. J’ignorais si Zarnh savait que j’avais été une prétendante au trône, donc ennemie potentielle de sa sœur. En tout cas, si j’avais continué à entrer dans les faveurs de l’Empereur, je me doutais que de toute façon, cet homme serait tombé dans ma vie un jour ou l’autre. Pour quelle raison, je n’en avais aucune idée. Néanmoins, ce n’était pas cela qui était le plus important pour l’instant. Marius se demanderait ce que faisait Zarnh dans l’appartement. Comme je ne savais plus trop ce que je pouvais faire et surtout, je ne souhaitais pas être en quelque sorte grondée par mon ami terroriste, je levai la tête et le fixai d’un regard sérieux.

- Il a en sa possession la dernière lettre que j’ai écrite.

Je continuai à tenter de sauver quelques apparences. Ce fut pourquoi je ne dis pas que c’était la lettre qui lui était tout simplement destinée. Mais je savais parfaitement qu’il comprendrait. A lui de réagir désormais en conséquence, tout en espérant qu’il saisirait aussi qu’il fallait qu’il ne dévoilât pas trop qu’il était lui-même le destinataire de la lettre. Simplement un ami qui venait me sauver des griffes de Zarnh … »
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Marius De l'Ombrage

Marius De l'Ombrage

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MessageSujet: Re: La lettre de la discorde (Marius, Elea)   La lettre de la discorde (Marius, Elea) EmptyDim 31 Juil - 22:09

Et comme l'avait espéré Marius, Zarnh tomba dans le piège qu'il lui avait tendu ; bien évidemment que le jeune homme avait perçu le mépris dans sa voix, et la lueur narquoise traverser la froideur de son regard, et ça le rassura pour la suite. L'idéaliste agissait dans le sens de son adversaire, et lentement, sans que celui-ci ne semble le comprendre, il le mettait en confiance dans le sens, où se mettant tout de suite en position de faiblesse en agissant de façon si impulsive ou en dévoilant qu'il était Léonard, le ramoneur, il jouait son rôle et ne confortait Zarnh dans l'idée qu'il n'était rien d'autre qu'un freluquet, peut-être tout juste bon à être le gigolo d'une ou deux nobles en manque de chair fraîche.

Marius trouvait seul ce dernier point insultant, tout ce qui le rapportait au sexe lui donnait un goût amer qu'il détestait avoir, il trouvait ça sale, et pire qu'une agression. L'idée même qu'on puisse le toucher pour ce genre de contact lui retournait l'estomac, enfin, passons, le sujet n'étant pas à la vision parfois étriquée du jeune homme. Ce dernier mordilla aussitôt ses lèvres de nervosité, il trembla un peu, tandis que sa main se refermait sur le poignet de la jeune femme. Non... Marius n'avait pas commis d'erreur en affirmant d'emblé qu'il était Léonard, car après tout Éléanor l'avait appelé « son frère » lorsqu'il était arrivé, et dans les lettres, elle le nommait parfois de la sorte. Au moins Zarnh pouvait comprendre qu'il était un allier, et Marius était juste en train de se débrouiller pour passer pour un allier faible, avec peu d'envergure, et incapable de se défendre si Zarnh décidait de l'attaquer. Il pouvait toujours essayer... mais le Nocturnae risquait de perdre plus que son joli visage impassible.

Marius avait été élevé dans le fanatisme le plus pur et le plus dur, il avait été formé pour devenir à la base un Inquisiteur comme ses deux frères aînés, il savait manier une arme, il savait trancher la chair, et surtout : depuis un an, le jeune homme côtoyait les « Hommes de l'Ombres », ceux qui tuaient et pillaient pour vivre, et son mentor n'était rien d'autre que le chef du plus grand réseau de contrebandiers d'Ishtar. Alvaro lui avait appris à jouer sur son visage de gentil niais, et Marius était en train de justement s'en servir avec Zarnh. Bien évidemment qu'il le savait, et il joua parfaitement la surprise, lorsqu'il perçut la voix de la Duchesse lui donner cette information. Et d'ailleurs, sa main lâcha enfin le poignet de la Duchesse, et la tête rentrée dans les épaules, le corps tendu, et la tête baissée vers ses chaussures, le jeune homme lâcha :


— Ah... Zarnh Nocturnae ? Le Sénateur qui est tombé amoureux d'une femme de petite vertu ? Ou celui qui veut épouser la Comtesse Bloomyss ?

Le jeune homme passa une main dans sa chevelure blonde, il mordilla encore plus ses lèvres jusqu'a les faire saigner, il s'écarta sans un mot de la jeune femme, et sans « oser » lancer un coup d'oeil au Nocturnae, Marius se laissa tomber plus loin sur un fauteuil. Accablé — du moins il paraissait l'être —, Marius poussa un soupir à fendre vents et marées, tant il semblait comprimé par l'angoisse que la présence de Zarnh pouvait procurer. Une main sur son visage, masquant l'expression presque tout aussi rieuse que celle de Zarnh, le jeune homme tordit sa bouche dans une grimace tendue, il improvisait, évidemment. L'avantage d'être le second d'Alvaro, c'était que celui-ci lui avait donné les armes nécessaires pour se jouer des autres, et Marius profita de sa faiblesse pour ne faire croire à Zarnh qu'il n'était rien. Et ça semblait plutôt marcher, toutefois Marius restait sur ses gardes, et même s'il s'était éloigné d'Éléanor, lui qui avait été éduqué pour devenir inquisiteur, n'avait qu'à voir Zarnh bouger pour se jeter sur lui et lui trancher la gorge. Après tout... c'était ce qu'il avait failli se passer avec le Grand Uriel d'Arken : avec un éclat de porcelaine, le petit maigrichon était parvenu à le blesser ; il avait plus de chance avec Zarnh toutefois, car ce dernier n'était pas un Mage de l'Ombre.

Mouillant ses lèvres, et passant une main sur sa joue pleine de suie, et brusquement, comme si Marius prenait conscience qu'il se trouvait en présence d'un grand homme, il refit les boutons de sa chemise, il essuya rapidement avec sa manche la suie sur sa joue, et envoya un regard désolé à Zarnh. Il posa ses mains sur ses genoux, sa chemise sale et décousue de partout lui donnait l'air de ces gosses des rues, prêt à tout pour l'aumône, et plantant un regard apeuré dans celui du Nocturnae, Marius murmura :

— Alors... vous savez... le plus grand secret que je n'ai jamais voulu dévoiler à qui que ce soit, sauf à mon amie que je considère comme ma soeur ?

Car après tout... Marius ne savait rien sur la lettre, il n'en connaissait même pas le contenu. Et bien sûr, « ce grand secret » n'était rien d'autre que des paroles vides, prononcées sur un ton presque suppliant, comme s'il avait voulu que Zarnh lui démente ce fait. Ainsi le jeune homme connaîtrait davantage ce que lui avait raconté Éléanor, et il pourrait aviser la suite. Dans un autre soupir emplit de désespoir, le jeune homme plongea son visage dans ses grandes mains osseuses, et encore une fois, il restait à savoir si c'était de la pure comédie de sa part, Marius était un De l'Ombrage, un fils de Comte, et lui aussi possédait dans ses gênes le vice de l'hypocrisie.
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