L'Empire Ishtar
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 En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre

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Nathaniel Lazarey
₳ Philosophe ₳

Nathaniel Lazarey

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MessageSujet: En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre   En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre EmptyMar 10 Avr - 22:26

La question. Cette question. Le choix. Toujours ce doute – était-ce la bonne décision ? On l'a tous ressenti au moins une fois. L'espérance de vie est courte en Ishtar ; ce n'est pas un soulagement pour autant. Il suffit d'une seule seconde. Un seul frôlement de paume, un seul bruissement de feuille morte. Le doute ronge l'inspiration, le doute ronge la jeunesse, la vigueur et la spontanéité. Assailli par le doute un homme ne sera que l'ombre de lui-même.

Et Nathaniel Lazarey haïssait l'Ombre par dessus tout.

Planté en plein cœur de la scène, il capturait la lumière pour mieux la renvoyer au visage de ses interlocuteurs.

Amusez-moi.

Vous êtes stupéfaits.

Je ricane, entendez mes paroles, votre cécité temporaire me permettra de fuir plus aisément. Je ne veux pas rester avec vous. Je ne peux pas rester près de vous. Un autre devoir m'appelle, que dis-je, une pulsion... C'est l'Art dans toute sa splendeur, pur et immortel. A jamais gravé dans la pierre.


« Et voilà qu'il déteint sur moi... »

Nathaniel Lazarey coupa court à ses réflexions métaphysiques par un simple murmure moqueur dirigé contre lui-même. Se transformer en monstre d'arrogance n'allait pas faciliter la cohabitation avec son Maître, le sculpteur Aristide Torchia. Nate fit la moue. Et tant pis s'il se donnait en spectacle, jeune blond grand et mince tout de noir vêtu marchant en solitaire le long du fleuve, marmonnant pour lui même... Le philosophe se fichait éperdument de regards que les potentiels passants pouvaient lui lancer. Et s'ils étaient trop insistants ce serait une occasion de jouer.

Il n'y a jamais assez de divertissement dans la vie. "Trop" ne faisait pas partie du vocabulaire de Nathaniel. Il avait déniché une petite mine d'or mais ce n'était pas suffisant. Il y avait toujours des heures creuses dans son emploi du temps, l'Art et la Passion ne le consumaient pas encore. Il avait rendu visite à son ancienne logeuse, une petite vieille sympathique. Nate l'avait abandonnée du jour au lendemain et elle ne semblait pas lui en vouloir. Le verdict tomberait lors de la succession.

Le jeune Lazarey n'était pas friand d'argent. Les richesses apportaient leur lot de facilités, le philosophe s'y refusait catégoriquement. Ce n'était même pas une question de principe...

Une simple question de plaisir. De challenge. De surprise, d'imprévus. Trop de contrôle affadissait bien des choses. Et Nathaniel ne voulait rien perdre. Il voulait profiter tant qu'il en était encore capable. Il s'était éclipsé de l'atelier et avait erré au hasard dans les rues de la capitale depuis ce matin. Le déjeuner n'était plus qu'un lointain souvenir – un pâté à la viande avalé à la sauvette près des grilles du Parc des Lumières – et le dîner s'annonçait bientôt. Mais Nate ne pourrait pas rentrer à temps pour partager ce repas avec son Maître. Nate était perdu. Concrètement parlant bien sûr. Il n'était pas le genre d'homme à douter longtemps, perte de temps, perte de temps...

Il y avait quelqu'un au bord du fleuve. Gêné par le contre-jour du coucher du soleil, le blondinet ne pouvait distinguer les traits de l'inconnu. Ce pouvait être n'importe qui. Ce pouvait être n'importe quoi.

« Vous êtes tout au bord du chemin ! Ne sautez pas, j'espère que vous ne comptez pas sauter. Je me suis égaré, sauriez-vous comment rejoindre le centre ? Savez-vous que de ce côté du fleuve, vous avez plus de chance de mourir d'empoisonnement plutôt que de noyade ? Je peux vous assurer que ces reflets dans l'eau ne sont pas l'œuvre du soleil...»
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MessageSujet: Re: En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre   En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre EmptyVen 13 Avr - 18:59

    Aujourd'hui, il faisait beau. Un des ces jours où le ciel n'est ni gris, ni noir d'orage, ponctué de quelques nuages cotonneux et agrémenté d'un léger vent qui s'intensifie par moment. Une de ces journée où Phèdre se sentait bien. Et ça tombait plutôt bien, puisqu'elle ne travaillait pas ce jour là. Elle était de congé, si on pouvait appeler ça ainsi.

    L'avantage du métier qu'elle exerçait, c'est qu'il ne fallait pas beaucoup de temps pour s'en mettre plein les poches. Peut être pas autant, mais disons le tout de même, c'était particulièrement bien rémunéré. Beaucoup mieux que le salaire de misère que recevait le boulanger des bas-fonds chez qui Phèdre achetait son pain. Après, le travail n'était pas vraiment identique... Alors ça se comprenait peut être que la miss ait du temps libre alors que le pauvre bougre avait toujours la mine enfarinée.

    Mais ce qu'on gagnait en temps libre, il fallait bien le dépenser. Les premiers jours, elle était resté sans rien faire dans la maison qu'elle partageait avec son père. Ne sachant pas trop comment s'occuper. On ne lui avait rien dit, rien demandé. Alors elle s'était posé dans un coin sans rien faire.
    Elle avait tenu une semaine sous ce régime, avant que l'odeur désagréable ne la fasse fuir au dehors. L'inconvénient d'avoir un paternel tanneur c'est que... Ben, faut pas croire que tout sent la rose. Laver les peaux d'animaux morts, les nettoyer pour enlever poils et crasse et les plonger dans un liquide dont elle ne voulait même pas savoir ce qu'il était, ben, ça débouche les narines. Et pas dans le bon sens du terme. Et même en aérant sans interruption l'appartement minuscule, les odeurs continuent toujours à envahir la pièce.

    Alors elle acceptait toutes les propositions qu'on lui faisait. Et quand Neils, un ami pas très net, lui avait proposé cette balade hier, elle n'avait pas hésité. Elle s'était posé non loin de l'Oeil du Tigre pour l'attendre. Et elle avait patienter. Un peu. Beaucoup. Phèdre est naïve... Elle aurait pu l'attendre encore longtemps si la clientèle particulière de l'établissement n'avait pas commencé à la regarder d'un drôle d’œil... Alors elle s'était esquivée. Avait hésité, ne sachant trop quoi faire. Et puis, mécaniquement, elle était restée sur ce qu'elle était censée faire. Pourquoi chercher plus loin que ça les choses qui sont juste sous son nez ? Alors elle s'était embarquée dans cette balade. Seule. Elle avait remonté les rues, un sourire naïf accroché aux lèvres parce qu'elle avait enfin trouvé comment occuper son après-midi. Phèdre avait passé les portes de la capitale et, d'un pas flegmatique, elle avait rejoint les abords du fleuve.

    Elle avait marché, marché, s'intéressant à telle ou telle chose inutile, s'émerveillant bêtement lorsque le vent faisait s'envoler ses boucles brunes. Et puis, la rafale de trop. Celle qui emporta son chapeau dans les airs. Ses yeux agrandis par la surprise se levèrent au ciel, voyant le couvre-chef tournoyer dans les airs sans pouvoir rien y faire. Les bras levés en pure perte, elle suivit d'un pas pressé l'horrible chapeau de paille qui se trouvait auparavant sur sa tête. Lequel chapeau finit sa course aérienne dans les eaux paisibles du fleuve. Bon. Pour la chance, on repassera...

    Elle s'était rapprochée du bord, s'était penchée légèrement. Avec un peu de chance, il s'était accroché au rivage et... Un cri l’empêcha d'aller plus loin. Interloquée, elle se retourne vers la source des paroles. Grand. Blond. Les paroles font soudain tilt dans son cerveau et, légèrement apeurée, Phèdre recule brusquement de plusieurs pas, abandonnant l'hypothétique chapeau accroché au rivage à son triste sort.
    Un peu décontenancée, elle observe de loin les eaux calmes et paisibles qui s'écoulent lentement. Se rendant soudain compte qu'elle avait retenu sa respiration, elle souffle un petit coup avant de se tourner vers l'inconnu.

    Un sourire candide s'associe immédiatement à sa mine embarrassée et désarçonnée alors qu'elle replace d'un geste mécanique une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle étouffe un petit rire nerveux avant de lui adresser la parole.

    - Je suis idiote.

    Un léger sourire contrit fait son apparition, avant qu'un regard crédule ne se pose sur le jeune homme.

    - Le fleuve est vraiment empoisonné ? Enfin, je veux dire... Pour de vrai ? Mais... Qui voudrait faire ça ?

    Et pour le coup, Phèdre se le demande vraiment. Certes, on lui a déjà dit qu'il ne fallait pas se baigner dans les eaux du fleuve. Et elle, en bête gamine qu'elle était, elle avait engrangé l'information et l'appliquait sans chercher le pourquoi du comment.
    Et malheureusement pour l'inconnu, toute à sa surprise, Phèdre n'avait pas relevé la question qu'il venait de lui poser quant à la direction du centre d'Ishtar... Ni n'avait songé à se présenter.
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Nathaniel Lazarey
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Nathaniel Lazarey

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MessageSujet: Re: En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre   En coulisses: Ni ici ni ailleurs, mon âme s'égrène allégrement ~ Phèdre EmptySam 14 Avr - 20:49

Les derniers rayons de soleil font scintiller la chevelure de la demoiselle, Nathaniel est temporairement ébloui. Le blondinet déplie doucement ses doigts pâles vers l'épaule de la jeune femme, l'attrape fermement et l'attire à quelques pas de lui loin de la berge du fleuve. Il la relâche immédiatement et recule de quelques centimètres.

« Là c'est beaucoup mieux. Vous ne risquez plus l'empoisonnement par la noyade et sans ce maudit contre-jour je peux enfin contempler vos traits. J'espère qu'ils ne vont pas confirmer vos propos, mademoiselle l'idiote»

Comme d'habitude, le jeune Lazarey ne peut s'empêcher de glisser une petite œillade taquine. Et tant pis si elle se vexe, se drape dans sa dignité en lui tournant le dos. Il cherchera une autre âme égarée pour le guider vers le centre ville.

L'apprenti philosophe éclate d'un rire clair face aux questions candides de l'inconnue. D'où vient-elle ? Il avait entendu parler de la pollution du fleuve quelques semaines après son arrivée.

« Seriez-vous comme ces princesses gardées captives par une marâtre acariâtre ? C'est votre toute première sortie, avouez-le... » Un ton enjôleur, théâtral et pétillant. Nathaniel réagissait au quart de tour face à l'innocence – feinte ou réelle – de la demoiselle. Elle lui avait donné matière à jouer. Alors il jouait.

« Les déchets de la ville doivent bien s'écouler quelque part. Certains sont naturels mais même la nature peut s'avérer toxique. Je ne vous parle pas des détritus créés de toutes pièces par la main de l'homme... L'évolution ma chère, l'é-vo-lu-tion ! »

Un ricanement complice s'échappe des lèvres du blondinet, avant de subitement s'éteindre. Il est soudain redevenu sérieux, détaillant le visage de son interlocutrice. Il ne l'a jamais vue ce qui n'est pas étonnant dans une ville aussi grande. Elle ne semble pas faire partie de la noblesse, le terrain de jeu favori du jeune philosophe.

« Écoutez... Je ne sais toujours pas si vous vous apprêtiez à sauter ou si vous vous adonniez à l'idiotie. » Que cette fille veuille se suicider ou non lui était égal. Complétement égal. Il voulait simplement savoir si elle était apte à lui indiquer la bonne route pour rejoindre le centre ville. L'heure tournait, Aristide allait peut-être s'inquiéter. Perdre son précieux petit apprenti serait un coup dur pour l'artiste... Au moins jusqu'à ce qu'il déniche un autre rustre qui supporterait son arrogance au point de l'admirer et de boire ses paroles comme Nathaniel le faisait. « Mais sauriez-vous m'indiquer un chemin pour retourner au centre ? Dans les rues un peu plus fréquentées... Je pourrais prendre un fiacre pour rentrer à l'atelier. »

Le regard azur du jeune philosophe était calme et poli. Il attendait patiemment la réaction de l'inconnue. Il espérait secrètement qu'elle se donne en spectacle, qu'elle le gifle ou tente réellement de sauter droit dans le fleuve. Dans les deux cas, il participerait forcément à la scène. Mais il en serait également le spectateur, se réjouissant de la tournure anecdotique des évènements.

Il avait soif maintenant.
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