L'Empire Ishtar
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 « Qui est là ? » « Des emmerdes ! »

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« Qui est là ? » « Des emmerdes ! » Vide
MessageSujet: « Qui est là ? » « Des emmerdes ! »   « Qui est là ? » « Des emmerdes ! » EmptyLun 18 Juin - 0:59

A la bonne heure ! Le bon air ! Laissez-moi une minute. Que j’emplisse mes poumons d’oxygène non-saturé en poussière, moisissure ou autres substances douteuses qui ont pris position dans mon sanctuaire. Trois semaines que je n’étais pas sortis. Trois semaines que je m’étais isolé de l’extérieur afin d’enfin faire fleurir un bourgeon de créativité. Mais me voilà maintenant dehors avec autant d’invention qu’il y a trois semaines. Autant qu’il y a trois mois. Autant qu’il y a trois ans. Zero. Triste ? Sans doute. Pathétique ? C’est certain. Mais voilà bien longtemps que je m’y suis habitué. Qu’importe.. Maintenant que j’avais regagné la surface, il fallait que je m’occupe de cette idée qui me trotte dans la tête depuis déjà fort longtemps. C’est donc sans plus attendre que je pris la direction des résidences aristocratiques. Enfin.. Vous comprendrez qu’après autant de temps passé dans mon sous-sol, j’ai besoin de temps pour habituer mes yeux aux doux et réconfortants rayons de lune qui accompagnent ma sortie. Poétique, hein ?

Bien sur, toutes ces grandes rues, n’ont plus aucun secret pour moi depuis le temps. Je les aie arpentées, fouillées et souillées maintes et maintes fois. Je pense que l’on peut même dire que j’y suis comme chez moi. J’y ai, tout comme dans mon « atelier », passé des semaines entières sans même en sortir. Et ce qui est mauvais lorsqu’on se sent chez sois, c'est qu'on ne peut s’empêcher de ranger à sa convenance : je piétina donc le linge étendu ; de sortir les ordures : je balança alors le mobilier d’extérieur ; et bien sur de s’occuper des plan..


- Stop ! Mais qu’êtes-vous en train de faire ?
- Et bien ! J’arrose mes plantes, mon brave !
- V-vos.. Quittez immédiatement la propriété de Sir Halbrum !
- Toute suite. Je finis juste.



Sans doute la phrase de trop. Tant pis pour les plantes, je déguerpis sans demander mon reste et sans même ranger mon monstrueux membre dans mon falzar. Que voulez-vous que je vous dise ? Il n’y a pas que mes poumons qui avaient besoin de prendre l’air. La course poursuite finit ainsi aussi vite qu’elle débuta. Il ne me fut que trop facile de semer les deux hommes en armures. Aidé par ma longue cape en lambeaux, je me dissimulai dans un buisson, à l’angle de la maison, laissant croire aux soldats que j’avais poursuivis ma route. Je les observai silencieusement suivre mon jumeau maléfique, illusion de leur esprit, avant de me relever et me glisser dans la direction inverse. La nuit est mon élément, je suis fait pour me cacher dans l’obscurité. Une capacité de laid, tu ne peux pas comprendre. Quoi que.

Passant devant la porte d’entrée, je regagna la cour arrière, théâtre de mon syndrome je-fait-comme-chez-moi, et chercha une fenêtre allumée. Pourquoi faut-il toujours qu’elle se trouve au second étage ? Cinq mètres plus haut ? Motivé par l’espoir de le découvrir en compagnie d’une péripaté… avec une pute, j’entrepris d’escalader le mur, rien que ça. Trouvant une prise sur les plantes grimpantes ou rentrant mes griffes – arrivé à une telle longueur c’est ainsi qu’on appelle les ongles – dans les joints de la construction, je réussis non sans mal à m’élever en direction de LA lumière. Non. Pas une seule seconde j’ai crains d’être découvert par des soldats, j’ai une chance de cocu et un manteau en accord avec la couleur de la façade. Je n’ai pas non plus frémis à l’idée de me faire jeter – et c’est le cas de le dire – par le sénateur Halbrum une fois arrivé là haut. Je suis un mec sans peur. Un vrai Malade !

Bien sur que je suis chez le monarque de Khini Lao. Chez qui d’autre ?
Pourquoi lui, me direz-vous ? Et je vous répondrai, sans surprise, qu’il n’y a rien à comprendre dans un esprit comme le mien. Je ne suis qu’impulsivité et obsessions. Pourquoi aurais-je saccagé son jardin sinon ? Et puis, on dit de lui qu’il est un homme bon vivant, s’intéressant à la science. Un fervent défenseur de l’évolution. Rajouté à cela qu’il est à la tête d’une fortune certaine et il entre parfaitement dans le style d’homme qu’il me plait de rencontrer.

Je peux presque vous entendre parier sur le fait qu’il va me jeter dans le vide. Et bien faites vos jeux, je frappe à sa fenêtre !
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Erald Halbrum
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Erald Halbrum

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MessageSujet: Re: « Qui est là ? » « Des emmerdes ! »   « Qui est là ? » « Des emmerdes ! » EmptyDim 24 Juin - 19:53

L’avantage d’être sénateur, c’était qu’on ne s’ennuyait jamais. Le désavantage, c’était… qu’on ne s’ennuyait jamais. En général, Erald rentrait tard chez lui, et ce n’était pas uniquement à cause de sa journée de travail, bien sûr. Si tard qu’il ne faisait jamais rien d’autre que de tâtonner vaguement les murs pour retrouver sa chambre et ne pas tomber avant de s’effondrer dans son lit comme un bienheureux. Il s’endormait avant même d’atteindre l’oreiller. Et quelques heures plus tard, dès que les rayons du soleil pointaient à travers les rideaux, rebelote. Il fallait s’arracher aux draps, se laver pour se donner une bonne figure malgré les cernes, s’habiller en conséquence de la journée et vaquer à ses nombreuses obligations. Quand ce n’était pas les affaires du Sénat, il fallait répondre aux lettres, signer les papiers, arranger des rendez-vous, et veiller au bon déroulement d’une vingtaine de dossiers sur divers sujets qui concernaient, en vrac, les Halbrum, le Khini Lao, Ishtar dans sa globalité et deux ou trois suivis de scientifiques prometteurs. Avec tout ça, Erald devait se dénicher un créneau pour se nourrir. Quand ce n’était pas sur le pouce, en avalant vite fait au passage quelques bouchées de ce qui trainait en cuisine, c’était bien sûr les interminables dîners trop lourds ou les réceptions pleines de douceurs qui vous donnaient l’impression, en partant, d’avoir fait le plein pour un mois à venir. Ajoutez à ça la tendance propre à Erald de boire à outrance dès qu’il le pouvait et vous comprenez que le sénateur avait une alimentation assez erratique qui correspondait à son mode de vie tout aussi mouvementé.

Alors, quand on lui en donnait l’occasion de ne recevoir personne et de ne pas rendre des comptes, quelques rares soirs, Erald était content de s’asseoir deux minutes dans sa bibliothèque pour faire autre chose que de la politique. En l’occurrence, comme il s’agissait d’un de ces soirs-là, Erald lisait un traité de stratégie, installé confortablement dans un des fauteuils de la pièce déserte. Ou plutôt, il tentait de le lire car ses paupières avaient particulièrement envie de se fermer. Ce n’était pas que l’ouvrage était inintéressant, loin de là. Après tout, si cela avait été ennuyeux, Erald l’aurait aussitôt reposé sur son étagère pour ne pas gâcher ces quelques heures de liberté. Il s’en serait retourné à la cartographie –des tas de papiers sur ce sujet traînaient sur une table dans un coin- ou à n’importe quelle autre activité en cours qu’il avait du laisser tomber, faute de temps. Donc, non, le problème n’était pas là. Il était simplement fatigué, comme la plupart du temps, et être seul dans cette bibliothèque à l’éclairage discret n’incitait pas vraiment son cerveau à rester éveillé. La sagesse recommandait d’aller se coucher, mais il était hors de question de l’écouter, en sacrifiant ce temps libre. Non, c’était vraiment trop rare pour qu’il laisse passer l’occasion. Il se contentait donc de poursuivre sa lecture, tout en se frottant les yeux de temps à autres et en avalant une gorgée du contenu ambré d’un verre qu’il tenait à la main. Auberge ou résidence, on ne changeait pas ses habitudes.

Finalement, parce que son nez pointait vraiment trop vers la page qu’il parcourait, Erald finit par se lever et s’ébrouer comme un chien après sa sieste. Non, il ne renonçait pas. Il souhaita seulement marcher un peu et respirer de l’air frais pour éviter de finir à baver contre l’accoudoir. Mais alors qu’il s’apprêtait à ouvrir la fenêtre, il aperçut un étrange spectacle en contrebas qui vint le tirer de sa léthargie. Car honnêtement, on ne voyait pas ça tous les jours. Il resta un instant interdit devant le spectacle ridicule de deux de ses gardes poursuivant une silhouette aussi grise que la nuit. Il les vit passer devant elle comme devant un inoffensif buisson pour se précipiter dans une rue adjacente. Erald ne doutait pas des compétences de ses gardes, mais pour le coup, ils s’étaient vraiment plantés. Prudent, il préféra donc rester devant sa fenêtre. L’intrus s’était fondu dans la nuit et Erald n’était pas assez stupide pour passer sa tête dehors afin de retrouver sa trace. Il ne s’inquiétait pas : un type s’arrêtant pour se soulager sur ses plantes était soit un heureux imbécile de passage, soit un réactionnaire frustré et Erald ne voyait très bien ce qu’il avait pu faire dans ces derniers jours qui méritait une telle démonstration. Mais bon, pas la peine de tenter qui que…

Une ombre se découpa soudain au bas de sa fenêtre avant de grandir. Ah, il était là, lui. Instinctivement, Erald fit un pas en arrière. Ca sortait vraiment de l’ordinaire. Il ne distinguait pas grand-chose de son visiteur, mais il devinait qu’il avait vraiment le profil à faire le psychopathe de passage. Une face assombrie par le peur de lumière, découpée à grands jeux d’ombre. Une jolie aristocrate à ses bras aurait sûrement poussé un cri de frayeur. Erald se contenta d’observer le nouveau venu d’un air circonspect, puis vaguement amusé lorsque ce dernier frappa à sa fenêtre. Erald l’ouvrit, puis s’enquit aimablement :

- Vous désirez quelque chose ?

A part faire des ballades nocturnes sur les murs ? Un verre, peut-être ? Ou bien souhaitez-vous m’entretenir d’un sujet urgent comme la prochaine fin du monde ou votre invention révolutionnaire pour éplucher les pommes de terre ? Erald ne voyait pas très bien ce qui pouvait motiver de tels agissements, mais bon. Haut les cœurs, il avait toujours été quelqu’un de curieux et de pas trop farouche. Et puis, voyons le bon côté de la chose : certes, il était dérangé dans ce qu’il considérait comme un temps sacré que nul n’avait le droit d’interrompre, mais d’un autre côté, cette visite impromptue le tirait des bras tentateurs du sommeil. Il espérait seulement que le type n’allait pas se jeter sur lui en l’étranglant pour une raison mystérieuse. Ca serait quand même bête d’avoir ouvert à son propre assassin, un assassin qui aurait eu le toupet de frapper pour se faire inviter. Vraiment très bête.
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MessageSujet: Re: « Qui est là ? » « Des emmerdes ! »   « Qui est là ? » « Des emmerdes ! » EmptyLun 2 Juil - 21:33

Oh ! Quel gentilhomme cet Erald. M’ouvrir ainsi sa fenêtre sans peur ni haine. Courageux ou inconscient, j’aime cet homme. Je ne sais pas si c’est la faute de l’heure avancée ou bien celle de ma gueule derrière sa fenêtre, mais il avait une sale tête. Non, pas qu’il était moche. Il avait simplement les traits tirés. Le visage pale. Les cheveux en pagaille. Un peu comme moi en fait, simplement en moins effrayant. Préférant ne pas s’embarrasser de formule d’usage, il ne me posa qu’une question. Surement la seule l’intéressant, mais la seule me privant de plaisir. Me privant de suspens. La seule arme que j’avais de ma manche trouée. Et je préférais garder cette affaire pour plus tard. Bien sûr que je sais pourquoi je suis ici ! Ce n’est pas une question qui se pose. Quel homme serait assez fou pour s’inviter chez quelqu’un à une heure si tardive sans aucune raison ? C’est juste que.. Je n’avais pas envie de le dire à ce moment-là.
Qu’importe. Ce n’est pas le débat, il attendait une réponse et je m’étais contenté d’hausser les sourcils, la bouche ouverte, en pleine inspiration. Ça me donne un air songeur et un peu de temps pour répondre.

- En effet, je prendrais bien un verre. Tu permets ?

Une autorisation ? Pourquoi faire ? Je venais d’escalader sa façade après avoir baladé ses gardes, il y a des limites à l’hypocrisie, même pour moi. C’est donc le plus naturellement du monde que j’attrapai le sénateur par l’épaule et l’aida à faire un pas de côté, afin de me laisser entrer dans ce qui semblait être sa bibliothèque. L’agilité n’étant pas mon fort et surtout n’étant plus de mon âge, je mis un certain temps à passer par la fenêtre et non sans ridicule. Mais mon orgueil s’en remettra, avec le temps il est devenu inébranlable. Me stabilisant sur mes jambes de ptit vieux je secouai la poussière de mon manteau sur le beau parquet de Monsieur le sénateur et ôta ma capuche, découvrant mon front dégarni perlé de sueur. J’entrepris ensuite un court rituel de salutation, caricature de ceux fait en haute société. Faisant mine d’ôter un chapeau que je n’avais pas. Remuant le même bras de façon désarticulée, je me présentai :

- Leto Swan, mon seigneur. Professeur Leto Swan.

Et voilà comment s’inviter chez un sénateur d’Ishtar. Cela avait été facile, dangereusement facile, mais ce n’était pas mon affaire. Non pour le moment, je devais travailler la curiosité de mon nouvel ami. Laissant mon nom ricocher dans les recoins de sa mémoire, je me trouvai un fauteuil et m’affala dedans. J’observai les lieux : Une déco sans fioritures, de nombreuses étagères saturées de bouquins de différentes tailles et couleurs. Ma mauvaise vue ne me permettait pas de parcourir les différents titres, mais je remarquai un livre sur un chevet. Une connerie militaire, je fis mine de de m’y intéresser, en grand comédien que je suis.

- Huuum.. Livre intéressant que tu lis là. Il me semble l’avoir déjà parcouru. Mais passons, je ne suis pas venu te parler littérature. Comme je te l’ai dit, je suis un ingénieur et un bon, mais tu dois en voir défiler chaque jour, alors ne parlons pas ingénierie non plus. Huuum..

C’est le problème lorsqu’on fait les choses à l’instinct, qu’on essaye de placer plein de mots qui en jettent. A la fin, on finit piégé. Je devrais peut-être dut le lire son bouquin. Mon cerveau exploita chacune de mes cellules grises à une vitesse folle et je ne laissai planer qu’un léger silence avant de poursuivre.

- Parlons plutôt de toi. T’es plutôt bel homme. Toi, comme tout tes sujets de Khini Lao avez cette particularité, la beauté. Bien que simple point de vue physique, cela doit être jouissif de convaincre avant de parler. Combattre sans combattre. Une des notions stratégiques citées dans le 17 e chapitre de ton livre il me semble. – Voilà un coup de Bluff magnifique - Un don du ciel qu’un homme aussi habile que toi dois savoir utiliser à son avantage. Et puis, de nos jours, combien de gens s’arrête au simple aspect physique ? Ah ! Excuses-moi, voilà que je me mets à parler comme un homme de savoir. Mais tu as le pouvoir de séduction, ainsi que l’adresse de l’esprit, qu’est-ce qui te manque pour être au sommet ? Un verre peut-être.

Un clin d’œil. Un sourire. Pour le moment la prestation est bonne. Il ne virerait pas un vieil homme, autant en profiter.
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Erald Halbrum
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MessageSujet: Re: « Qui est là ? » « Des emmerdes ! »   « Qui est là ? » « Des emmerdes ! » EmptyLun 16 Juil - 21:06

- En effet, je prendrais bien un verre. Tu permets ? répondit son impromptu visiteur qui s’invita d’autant plus en entrant dans la bibliothèque avec force de précaution. Leto Swan, mon seigneur. Professeur Leto Swan.

Salut plein de panache. Bon, visiblement, c’était juste un vieil original qui ne manquait pas d’audace. Pourquoi pas. Erald n’y voyait aucun inconvénient pour le moment, et il le détailla un peu mieux à la lumière diffuse qui régnait dans la bibliothèque. Le professeur avait retiré la capuche qui masquait une partie des traits de son visage. Mais son absence ne modifiait pas vraiment la première impression du sénateur, et Erald restait circonspect. Etre curieux, c’était bien, insouciant, moins. Il remarqua qu’il était plus âge qu’il ne lui avait paru au premier abord, et décidant qu’il était bien capable de battre facilement quelqu’un de vingt ans au moins plus âgé que lui, il se permit de se détourner du personnage, le temps de lui servir ledit verre. Lorsqu’il se retourna, il vit que le professeur s’était installé dans le fauteuil qu’Erald avait abandonné et qu’il avait remarqué le traité, abandonné dans son coin.

- Huuum.. Livre intéressant que tu lis là. Il me semble l’avoir déjà parcouru. Mais passons, je ne suis pas venu te parler littérature. Comme je te l’ai dit, je suis un ingénieur et un bon, mais tu dois en voir défiler chaque jour, alors ne parlons pas ingénierie non plus. Huuum..

Poliment, Erald attendait en acquiesçant vaguement. Il lui tendit son verre. Un ingénieur, donc ? Non, il ne lui avait pas dit, mais c’était toujours bon à savoir. Cela n’expliquait pour autant pas sa présence ici et à cette heure. Erald doutait que le professeur se soit amusé à escalader son mur uniquement pour siroter un bon vin. Il était peut-être frappé, tout bonnement. Ishtar produisait plein de créatures bizarres., et Leto Swan ne serait sûrement pas le dernier scientifique un peu tordu du coin. Oui, Erald en voyait un certain nombre. Il s’intéressait de près aux progrès de la science et n’hésitait pas à un investir dans un projet quand celui-ci lui paraissait prometteur. Swan désirait-il lui présenter le sien, et sachant qu’un sénateur est fort occupé la journée, avait-il choisi de se distinguer en se montrant moins conventionnel que ses collègues ? C’était plausible, et patiemment, Erald attendait qu’il en vienne au fait. La nuit était longue, et quand on était un vieillard insomniaque, on n’était sûrement pas pressé.

- Parlons plutôt de toi, reprit Leto Swan . T’es plutôt bel homme. Toi, comme tout tes sujets de Khini Lao avez cette particularité, la beauté. Bien que simple point de vue physique, cela doit être jouissif de convaincre avant de parler. Combattre sans combattre. Une des notions stratégiques citées dans le 17 e chapitre de ton livre il me semble. Un don du ciel qu’un homme aussi habile que toi dois savoir utiliser à son avantage. Et puis, de nos jours, combien de gens s’arrête au simple aspect physique ? Ah ! Excuses-moi, voilà que je me mets à parler comme un homme de savoir. Mais tu as le pouvoir de séduction, ainsi que l’adresse de l’esprit, qu’est-ce qui te manque pour être au sommet ? Un verre peut-être.

Non, se faire entretenir de son charme par un original d’au moins soixante ans, au cœur de la nuit, dans sa bibliothèque, ce n’était absolument pas bizarre. Plus ça allait, et plus Erald se demandait s’il ne s’était finalement pas bel et bien endormi dans son fauteuil quelques minutes plus tôt. Sans se laisser déstabiliser – pas trop difficile quand on s’essaye à la joute verbale tous les jours -, Erald s’assit à son tour sur une des chaises disposées autour d’une grande table, tourné vers son interlocuteur. Et puis, il l’appréciait bien, l’ingénieur. Erald était toujours resté joueur, et son invité avait su piquer sa curiosité. Il était prêt à l’écouter sans le faire virer au bout de cinq minutes et retourner à ses occupations, voir à son lit.

Quant au charme des Laotiens, et bien… Oui, c’était utile. Surtout quand on était sénateur et qu’on avait trente-cinq ans. Erald ne pouvait pas le nier, mais il espérait tout de même qu’on ne lui mettait pas tout son succès sur le dos d’un cadeau de la nature uniquement. Avant d’être sénateur, il y avait eu quand même une certaine dose de travail. Et le charme, il fallait apprendre à l’utiliser. A se la fermer aux moments opportuns et se faire tout miel aux autres. A ne pas titiller l’ego de plus expérimenté que soi –meilleure façon de finir au placard-. En fait, il fallait apprendre à enrober naturellement ses interlocuteurs et à les amener là où on le désirait sans qu’ils ne s’en rendent compte. Et comme les provinces se faisaient un point d’honneur à nommer sénateur les plus rusés et les plus méfiants d’entre eux, les débats sénatoriaux devenaient souvent des duels à mort verbaux. C’était à celui qui baratinerait le plus. De ce point de vue, il était clair que le charme laotien était d’un grand secours. On se méfiait rarement d’Erald. Spontanément, on l’appréciait. Il n’avait pas à se forcer pour ça, pas à se déguiser, pas à se faire passer pour quelqu’un qu’il n’était pas, comme beaucoup d’autres. Et la vérité était toujours plus séduisante qu’un mensonge. Erald était assez fin psychologue pour savoir qu’inconsciemment, les gens sentaient bien si l’individu en face d’eux était sincère ou non. L’être jouait sacrément en sa faveur. Donc, oui, Erald savait utiliser son charme à son avantage, politiquement ou sentimentalement. L’adresse de l’esprit… Pour le moment, il ne se débrouillait pas trop mal. Alors, oui, qu’est ce qui lui manquait pour être au sommet ?

La réponse était simple. L’ambition. L’intérêt. Si par « être au sommet », l’ingénieur sous-entendait être à la place d’Uriel d’Arken ou de ces autres puissants, Erald n’avait aucune envie d’y être. Il avait suffisamment à faire dans son propre domaine. Il avait un sens aigu de la responsabilité qu’il avait envers le Khini Lao, et c’était suffisant pour qu’il souhaitât conserver son siège au Sénat. Après, si cela allait dans le sens des projets du Marquis du Khini Lao et de son père… C’était différent, il obéirait. Et puis, avouons-le, Erald était un paresseux dans l’âme. Si cela ne lui apportait pas grand-chose, si cela ne servait pas plus ses intérêts que la place qu’il occupait maintenant, il ne voulait pas être au sommet. Pourquoi se fatiguer, alors ? Il était bien plus facile de rester à sa place d’ambassadeur et de diplomate, d’être discret, de ne pas faire de vagues. Plus facile pour ne pas se faire craindre des autres, plus facile pour être influent par la séduction. Plus puissant, Erald menacerait toute cette aristocratie futile et attachée à ses privilèges. Ils lui céderaient moins aisément, refuseraient les compromis auxquels Erald était habitué. Non, vraiment, pour le moment, ca n’avait aucun intérêt.

Et comme il n’était pas question de déballer ses états d’âme à un étranger bizarre, Erald renvoya au professeur son sourire le plus charmant et répondit :

- Un peu de chance, peut-être ? Les opportunités sont rares pour se tailler un chemin, au Sénat. Vous devez savoir comment c’est : on parle, on se dispute autour d’un sujet qui n’intéresse pas grand monde, et le pouvoir exécutif fait ce qu’il faut pour faire avancer l’Empire sans notre aide. Le charme ne fait pas tout. C’est juste bon à se faire les amis qu’il faut au moment où il faut, lorsque le vent tourne. Vous aviez une autre idée ? Mais buvez, je vous prie. Si votre verre se vide, rien ne l’empêche de se remplir à nouveau.


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