L'Empire Ishtar
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 Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]

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Asgeir
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Asgeir

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Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] Vide
MessageSujet: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyJeu 24 Nov - 11:22

Et la vie reprenait son cours, comme si rien ne s'était passé, comme si cet enfant n'avait jamais été exécuté sous tes yeux, et que tu n'avais pas aidé son ami à l'enterrer. De tes mains grandes et carrées, zébrées de cicatrices et de fatigue, tu avais bâti avec tes mêmes gestes automatiques un cercueil pour Mist. Un nom qui venait et allait dans tes oreilles, les discussions ne changeaient plus trop de sujet, car sa mort monstrueuse et exhibée aux yeux de la masse avait représenté un spectacle amusant pour beaucoup. Est-ce que sa mort te faisait quelque chose, Asgeir ? Toi qui ne ressentais plus rien, hormis ce même chagrin depuis des années ? Tu ne savais pas. Tu avais aidé ce gosse, tu l'avais logé une nuit, tu lui avais donné un repas chaud, et une statue de bois, sans savoir qu'il était terroriste et que tu aurais pu sombrer de nouveau dans ce néant de douleur pour avoir tendu la main à ce gamin, un gamin qui n'était... rien d'autre qu'un gamin pour toi. Tu avais contemplé sa mort dans toute son horreur, tu avais admiré les derniers instants de sa misérable existence, et tu l'avais vu, lui, le petit homme blond de blanc tout habillé, tu l'avais vu s'agiter comme un enfant devant la mort prochaine de Mist. Et tu avais vu l'autre gamin, détruit par la mort de son ami, une telle scène ne t'avait pas laissé aussi indifférent que tu ne l'aurais cru.

Mais quelle importance ? Désormais, tout était revenu à la normale, les gens allaient et venaient dans ton atelier, vivant toujours, arrogant parfois, souvent étonné du travail que tu faisais. Ils méprisaient cet endroit, comme ils méprisaient cette gigantesque silhouette abîmée par le temps, courbé comme un saule pleureur, et semblant toujours sur le point de s'écrouler en avant, comme si l'arbre que tu étais allait se déraciner d'un instant à l'autre. Ils ne parlaient pas avec toi, ou seulement pour les commandes, et ils repartaient comme ils étaient venus, fixant la fenêtre toujours brisée, ta blessure jamais soignée au flanc, et reniflant de dédain devant l'état misérable de ton atelier. Tu ne respirais rien, hormis la tristesse, on avait l'impression en te voyant de voir le cadavre d'un arbre bouger par automatisme, animé par ses habitudes, et seulement par ses habitudes. Ce matin-là, alors que perdu dans tes pensées, comme à l'accoutumée, tu frappais le marteau sur un pauvre clou qui maladroitement s'enfonçait dans le bois, tu songeais à une chose qui te changeait. Une essence d'arbre particulière, et bien rare qu'il te fallait, pour quelle raison ?

Eh bien... comme ça, tu ne changeais pas, et tu restais un menuisier, le bois étant la seule chose qui te restait. Pourtant, malgré ta taille, malgré ta force, tu peinerais à ramener un énorme tronc de l'arbre jusqu'à chez toi, et curieusement... couper un arbre, le déraciner de sa terre, de sa très chère terre, ça te faisait mal. Comme lorsque tu sciais tes planches, tu imaginais que c'était toi qu'on sciait, les dents de l'instrument se plantaient dans tes os, et tu pouvais les sentir faiblir, rongé par la douleur et la scie. Tu relavas la tête, le regard perdu sur un coin du mur, et brutalement, tu enfonças le dernier clou dans le bois, tentant de rester sourd face à la douleur de ce matériau qui était la seule chose de bon dans ta misérable vie. Lentement, comme à ton habitude, tu te levas en essayant d'oublier la douleur à ta jambe, elle te tirait, l'hiver arrivait, et les souffrances en seraient plus rudes. Le froid régnait d'ailleurs dans tout ton atelier, mordant ta peau, s'infiltrant dans les murs, et malgré tout, tu restais torse nu. Ton dos était en lui-même un tableau de la misère, tes os sortaient malgré ton poids, saillant à chaque fois que tu faisais un mouvement, tandis que tes épaules rondes, brisées par le poids des années hurlaient la souffrance qui souveraine explosait dans tout ton être.

Les ombres glissaient sur tes omoplates, révélant leur vigueur, cachant parfois les cicatrices qui pour la plupart mal refermé, serpentaient sur ton corps pour hurler ta condition de petit être humain minable qui n'attendait qu'une chose : la Mort. Un bandage recouvrait tes flancs, peinant à masquer une petite tache rouge qui se révélait sur celui de gauche, trace d'un coup de poignard que tu avais gagnée dans une auberge pour avoir tenté de défendre une pauvre jeune femme de mains baladeuses. Tu restas un moment debout, te demandant bien si au final, tu avais besoin de cette essence rare, mais tu étais un artisan du bois, et pour un être aussi passionné par ton métier, tu ne pouvais pas laisser échapper les quelques misérables rêves qui pénétraient ton esprit. Que serais-tu capable de construire avec ça ? C'était cette question qui sans cesse te venait. Alors au bout d'un moment, tu allais cherchas une grande hache qui traînait là depuis des années, et dont la lame était déjà rouillée, comme tu l'étais de la peine. Sans fermer la porte, sans même mettre un écriteau « absent », tu allas dehors torse nu dans le froid de l'hiver. La hache sur ton épaule, tu marchas lentement, péniblement jusqu'à ton but, et en route, malgré ton esprit enfermé dans son monde, tu rencontras un père et ses enfants. Ils semblaient heureux... et cette image-là te donna l'envie de te crever les yeux. Tu te contentas pourtant de détourner la tête, et de marcher, marcher vers la forêt pour commettre un meurtre, un crime terrible qui était d'arracher un arbre à sa terre. Avec un peu de chance, pensais-tu, tu allais mourir sous le poids de cet arbre.
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyVen 25 Nov - 21:33

C'était un monde merveilleux. Des boulettes de viande pleuvaient sur une forêt où les animaux couraient déjà épiaulés. Il suffisait de planter ses crocs dans le cou du premier lapin qui passait, laisser son sang couler sur sa peau... Achever sans faire souffrir puis manger. Assoupi la bouche ouverte, un filet de bave coulait le long de sa mâchoire. Bloqué dans cet univers imaginaire, sans maître et entièrement libre, le ravissement l'emportait. Il y avait même de la biche prête à consommer. Ça ressemblait au Paradis du Carnivore où le chasseur agissait comme bon lui semblait sans devoir se taper tout un tas de tâches ingrates. Un monde sans déchets où les charognards mangeraient les abats et les os pourriraient dans le sol. Un long soupir s'envola. Freki posa une main sur son ventre. Ses doigts le tapotèrent doucement. Non, pas encore faim. Finalement, il ouvrit son œil puis son corps se redressa. La réalité lui apparaissait subitement bien fade. Avec le dos de sa main gauche, l'hybride essuya sa mâchoire puis s'étira tout en lâchant un élégant bâillement. Ses doigts passèrent sous sa chemise et grattèrent son torse tandis que ses pieds l'emmenaient vers une fenêtre. Presque absent, il fixait le ciel. Un miracle ne risquait pas d'arriver, en tout cas pas son genre de miracle. Pourtant l'immobilité demeurait. Seule sa queue esquissait de lents mouvements de droite à gauche.

Ça semblait bien calme dans les parages. Enfin pas lui qui allait s'en plaindre pour le moment. D'un pas mou, l'hybride s'approcha de ses bottes trainant dans un coin de la pièce. Bon, enfilées. Maintenant il fallait remettre la main sur le cache-oeil. Après dix bonnes minutes de recherche infructueuses, Freki contemplait le désordre ambiant. Ranger ? Pas ranger ? Un rangement n'avait
jamais besoin d'être immédiat non plus. S'il le faisait un peu plus tard, y avait pas mort d'homme. Même si le mieux restait que personne ne mette les pieds ici pour le moment. En attendant, s'il voulait sortir, il allait devoir recourir à une astuce. Les mèches les plus proches du visage n'étaient pas assez longues mais peut-être qu'en arrangeant sa coiffure, le résultat pouvait masquer son côté gauche. Enfin prendre autant de temps pour ça, c'était tout de même un truc de fille. Rien que cette pensée suffit à lui faire abandonner sa première décision. D'un coup, l'image de Fahri traversa son esprit. Hm, garder certaines opinions pour soi paraissait préférable. Quoique son cas tombait dans la catégorie des exceptions. Ça faisait parti de son excentricité.... Mais il hocha vivement la tête, valait vraiment mieux se taire quand même.

Au lieu de s'attarder sur son apparence, l'homme-loup attrapa un petit poignard qui retrouva dissimulé sous une chemise ample. L'objet le rassurait même si une petite voix lui chuchotait de ne jamais s'en servir. Elle n'avait pas tout à fait tort mais ses explorations en ville lui permettaient d'entrevoir aussi une faune dont il fallait se méfier. La prudence valait mieux qu'une queue arrachée ou la cécité. Ce geste marquait la fin de ses préparatifs, enfin pas tout à fait... Il manquait une petite chose... Un bout de papier et un crayon firent l'affaire pour griffonner un '' Ne pas toucher '' qui finit déposé sur sa cape. Sur ce, l'esprit libre, Freki partit en fredonnant. Aujourd'hui, son exploration allait s'étendre aux abords de la ville. Plusieurs endroits l'intriguaient, toutefois il avait décidé de commencer par son favori. Qui disait forêt disait gibier. Et de gibier à chasse, il n'y avait qu'un pas. Sauf qu'aujourd'hui, l'hybride se contenterait de prospecter, rien d'autre. Beaucoup d'hommes et quelques familles empruntaient un bout de son chemin. Parmi eux, les enfants montraient un vif intérêt pour sa longue touffe de poils. Leurs yeux ne cachaient pas leur sentiment, ni leur envie de toucher. Y avait quelque chose de tentant à l'agiter sous leur nez.... Et il le fit puis accéléra le pas. Les parents n'apprécieraient pas de le voir trainer auprès de leurs progénitures.

Bientôt la forêt se dessina devant lui. Les mains croisées derrière la tête, Freki observa les alentours jusqu'à ce qu'un détail de taille le scie net. Une masse humaine paraissait avoir la même taille que les arbres. Ok, non, il devait être plus petit. La perspective changeait l'échelle. Non mais un humain ne pouvait pas être si grand. Peut-être bien qu'il était pas humain ? Un géant ? Il ne lui semblait pas avoir entendu parler d'histoires incluant de tels êtres. Sa curiosité le démangeait mais l'hybride pesait le pour et le contre. À côté, il ferait figure de demi-portion. Si l'homme était dangereux, il finirait en viande froide en un rien de temps. Fallait se décider rapidement sinon la silhouette risquait de disparaître et il n'avait pas eu l'occasion d'identifier son odeur. Tant pis, il s'adapterait en fonction de la situation. Un truc facile avec un bois aussi dense. La sève et l'herbe humide chatouillaient ses narines. L'obscurité inhabituelle à son goût rendait la progression plus lente. Dans ses souvenirs, les bois du domaines étaient plus aérés. Les rayons du soleil perçaient les feuillages, créant même à certains endroits des puits de lumières. Ici, un frisson le parcourait. Son odorat était en alerte, prêt à le prévenir de tout danger.

Cependant ce n'était pas ça qui allait le faire reculer... Ni le faire avancer. Sans trace à pister, Freki devait reconnaître la limite de ses actions. Un sentiment de frustration le submergea. S'il ne s'était pas fait des nœuds au cerveau sur suivre ou pas suivre, l'identification aurait été un jeu d'enfant. Ça servait à rien de trop réfléchir.

 - Raaaaah je l'ai perdu ! 

Et il criait, criait tout seul comme d'habitude. Il fallait d'ailleurs qu'il arrête, à force on le prendrait sans doute pour un fou. Quoique dans la forêt, ça ne gênait probablement personne. Il ne semblait pas y avoir de chasse, ce qui par extension signifiait, aucun risque de faire fuir de la nourriture encore vivante. Par dépit, ses ongles se mirent à griffer un tronc d'arbre. Il continua à se faire les griffes jusqu'à temps d'être calmé. Rien de tel qu'un grattoir... Ça manquait. Peut-être devrait-il se ramener un bout de bois en fin de journée ? Mais avant ça... Son corps se laissa tomber sur le sol et il croisa les bras.

 - Bon, rassemblons-nous... Je dois bien pouvoir me rappeler ce qu'il sent... 

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Asgeir
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Asgeir

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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptySam 26 Nov - 11:45

Tu ne pouvais pas exactement dire pourquoi, mais voir ces arbres immenses s'étendre jusqu'aux cieux te donna un sentiment de malaise. Ta hache sur l'épaule, tu avais l'air sans réellement le savoir d'un de ces malades qui courraient régulièrement en ville, ta taille, ton air patibulaire et tes cicatrices pouvaient te faire passer pour le pire des tarés. Toutefois, ce n'était pas dans l'intention de tuer quelqu'un que tu étais venu ici, et de ton pas boiteux, tu avançais vers les silhouettes de ces géants aux feuillages jaunis par l'hiver. Tu aurais pu certes te fondre dans leur masse, devenir toi-même un de ces grands arbres, mais ton corps n'était pas assez beau pour ça, il aurait fallu y enlever toute la tristesse et la douleur qui toujours hurlaient, transperçant ta peau dans ces cicatrices qui royalement se montraient aux autres. Heureusement pour toi, Asgeir, tu n'avais jamais ressenti de honte vis-à-vis de ce corps qui te servait avant tout pour le travail, et tu ne pouvais pas en examiner toute la laideur. Tu marchais lentement, loin de tout, loin de cette ville qui parfois t'étouffait, Ishtar était bien trop vivante et nerveuse pour toi. La lèvre tremblante, torse nu, le froid qui s'enfonçait dans ta chair comme la lame du couteau s'étaient plantés dans ton flanc, tu avanças sans même remarquer la présence qui aurait aimé te prendre en filature. Toutefois, tu t'arrêtas quelques minutes face à un imposant bouleau que tu regardas longuement, tu posas lourdement la hache pour glisser ta main rude sur l'écorce de l'arbre.

Ça faisait longtemps... que tu n'avais pas fait une telle chose, toucher un arbre vivant, l'étudiant avant de l'arracher à sa terre, ton regard amorphe posé sur ses feuilles, tu grattas un peu avec tes ongles cette surface à la fois chaude et froide. Tu fis un léger mouvement de tête pour exprimer ton refus, et reprenant ta hache sur ton épaule, tu reculas pour lancer ton regard sur une rivière qui filait dans la forêt. L'eau semblait si limpide que tu te demandais si en t'approchant, tu ne pourrais pas voir le fond, alors que vive comme une enfant, elle serpentait jusqu'aux profondeurs de la forêt. Quelques feuilles jaunes et orangées étaient tombées, voguant sur la rivière, bateaux d'une aventure silencieuse, elles disparaissaient tantôt pour réapparaître sur ce chemin humide. Tu t'arrêtas pour contempler ce petit spectacle, non pas par envie de penser à quel point la nature pouvait être belle, mais bien pour reposer ta jambe malade qui elle restait la victime d'un supplice perpétuel. Tu bougeas au bout d'un moment pour pousser un soupir, et te retournant, tu laissas la rivière souillée de feuille pour retourner ton attention sur ce que tu étais venu chercher ; l'essence d'un arbre particulier, et rare que tu n'aurais jamais pensé trouver ici. Tu rencontras du regard d'abord ces grandes feuilles violettes, suspendues à d'immenses branches qui s'étiraient jusqu'au ciel, et qui ressemblaient aux bras d'un homme en train de se réveiller. Dans cette forêt dominée par le manteau de l'hiver, l'arbre était comme un anti-conformiste, qui sans lutter pour garder toute sa splendeur, resplendissait de couleurs améthyste, comme si la pierre précieuse s'était naturellement accrochée à ses branches pour attirer l'oeil.

Tu secouas la tête, puis tu te rapprochas de lui, toujours péniblement, mais le regard accroché à cet arbre que tu trouvais beau. Sans doute en tant qu'artisan du bois, tu étais le seul à en comprendre la beauté, et en savourer avec intensité l'image qui brillait sur ta rétine éteinte. Tu t'arrêtas de nouveau, hésitant, la tête penchée sur le côté, était-il si important pour toi de travailler l'essence de ce bois ? Ne serait-il pas cruel de l'enlever à sa forêt pour l'envie égoïste de concevoir quelque chose ? Ton art pouvait-il se montrer assez odieux pour ce crime-là ? Oui... tes préoccupations morales étaient assez limitées, et c'est loin de songer à ça que tu te rapprochas encore de l'arbre, et ce fut à cet instant que tu remarquas la présence d'une chose. Oui... une chose, car tu peinas sur l'instant à déterminer ce que c'était. C'était une chose de vaguement humaine, et qui... osait faire ses griffes sur l'écorce millénaire de l'arbre. Tu ne bougeas pas, paralysé, et le regard fixé devant le fait horrible qui s'affichait trop parfaitement à toi, tu en restas muet, ce... qui n'était pas un fait exceptionnel. Asgeir, c'était un miracle lorsque tu parlais, et quand ça se passait, on était en droit de se demander si le monde n'allait pas s'écrouler dans la seconde.
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyJeu 1 Déc - 20:00

Les yeux fermés, la concentration au maximum, il pensait. Jusqu'à ce qu'un parfum le titille. La note perçait celle de la mousse, des bois et de l'humidité. Elle était si distinguable, qu'elle devait être proche. Mais si c'était le cas, pourquoi ne l'avait-il pas remarqué ? Sa tête se mit à regarder un peu partout avant de se figer. Le géant ! Sa bouche s'ouvrit cependant aucun son en sortit. Son œil se posait successivement sur la masse humaine et la hache. Ça devrait pas être un chasseur... Personne ne courait après les animaux avec une telle arme, non ? Sa mâchoire remonta et il déglutit tout en imaginant la taille. L'hybride se releva. Le dos courbé, il se rapprocha de l'homme. Arrivé à sa hauteur, le haut de son corps se redressa. Bon, il sentait bien l'humain mais pas que. Freki tourna une première fois autour de l'homme avant de s'arrêter en face de lui. Un mur de chair se trouvait à la hauteur de ses yeux lui rappelant son appartenance aux demi-portions. Cette idée le dépitait mais être grand ne devait pas être pratique. S'habiller, esquiver les hauts des portes et toutes ces petites choses de la vie quotidienne. Sur ce, l'hybride exécuta un second tour, les narines en alerte. Dubitatif, la queue s'agitant vivement, il dévisagea l'homme. De la poussière et du bois émanaient de lui. Son visage et son corps lui suggéraient qu'un paquet de printemps se trouvait derrière lui. Il avait tout d'un humain sur la voix de la vieillesse... Malgré ça, il donnait l'impression d'appartenir à cet endroit.

- T'es un bûcheron ?

La liste des métiers se réduisit à celui-ci suite à ses maigres connaissances concernant le travail du bois. Et puis il faisait froid, il avait une hache. Tout pointait dans cette direction pour lui. Il avait bien eu envie de demander au géant s'il était le gardien de la forêt, sauf qu'il était sûr de l'inexistence de tels individus. Ils ne vivaient que dans les histoires racontées aux enfants. Quant à sa familiarité... Fallait se montrer respectueux envers ses aînés mais le pronom personnel adéquat n'était pas parvenu à ses lèvres. Cependant les marques visibles sur son corps ne présageaient rien de bon. Peut-être qu'i s'agissait d'un bagarreur. Le genre à jouer du couteau. En terrain inconnu et défavorable, la situation risquait de se compliquer. Bah avec de la chance, l'homme ne courait pas très vite. Il aviserait en temps et en heure. Pour le moment, Freki nettoyait ses ongles. Des morceaux d'écorce s'étaient glissés en dessous et le gênaient. D'un pas nonchalant, le brun retourna s'asseoir à côté de l'arbre.

Le froid commençait à passer la barrière du tissu. Un léger frisson parcourut sa peau. Sa queue contourna sa taille et se posa sur ses cuisses afin de ne pas toucher le sol. Le vent s'engouffrait entre les arbres et caressait la peau. Le bruissement des feuilles accompagnait un craquement de bois entendu ici ou là. L'absence de voix créait une sensation d'isolement. Si une agitation perpétuelle faisait battre le cœur d'Ishtar, ici, les bruits se raréfiaient au fil des minutes. Etait-ce tout le temps ainsi ? Sa tête se leva vers les cimes des arbres. Ils semblaient bien vieux... De quels évènements avaient-ils été témoins ? Que diraient-ils si la parole leur venait ? Son bras droit se tendit en direction du ciel. Là-bas, il y avait toujours deux ou trois arbres aux branches à sa portée. À moins de grandir en une fois par miracle, aucun des branchages présents ne lui paraissait accessible. Ses soupçons se portèrent sur une conspiration des géants, désireux de forcer les demi-portions à rester sur le sol.

 - Cette forêt existe depuis longtemps ? 

Une manière détournée de savoir depuis combien de temps l'homme-à-la-hache vivait aux alentours. Ça ne valait pas grand chose sans son âge... Mais une estimation suffirait pour ce point. L'inconnu n'en saurait rien. Ce même inconnu qui dégageait une tristesse insupportable. Bien qu'il soit physiquement là, un air lointain habitait son regard. Freki était persuadé que s'il dansait devant lui, l'homme aurait ce même regard de spectateur perdu dans ses songes. À ce moment, une autre idée traversa son esprit. Et s'il était muet ? Un nerveux privé de voix ? Non, non, son imagination l'emmenait sur une fausse piste. N'empêche qu'un coup de hache couperait net son appendice poilu. Y avait du sang sur la lame ? Il n'avait pas prêté attention à ces détails lors de ses petits tours.
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Asgeir
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyVen 2 Déc - 9:53

La chose sembla aussi te regarder, et tu l'observas t'observer, amorphe. La hache sur ton épaule commença à te faire sentir son poids, mais tu ne bougeas pas, on aurait dit qu'en quelques secondes, tu t'étais transformé toi aussi en arbre. La chose, elle, elle paraissait être sur le point de courir et de sauter partout ; un tel comportement te rappelait un peu les chats, sauf que les chats étaient bien moins gros. La chose avait un visage humain, mais ce dernier au bout de quelques secondes d'attention, tu t'aperçus que cette figure humaine n'en était plus vraiment une, donc ça reste une chose. L'espace d'un instant, tu avais cru avoir fait une erreur quand tu l'avais examiné, ton cerveau était souvent la victime de quelques hallucinations, il n'était pas rare pour toi de voir des fantômes courir devant tes paupières. Pourquoi ne pas avoir imaginé une sorte de bestiole féline ? Oui, Asgeir, dans ton inutile et mauvaise analyse, tu avais déduit que ce jeune homme était un chat, et non pas comme un chien comme la réalité aurait bien aimé que tu le voies. Sa touffe de cheveux noirs encadrait donc cette figure vaguement humaine, vaguement animale, et tu remarquas à peine le seul oeil vif de la chose.

Au bout d'un moment, comme réfléchir sur les choses n'était plus ton fort, tu oublias tous les détails que ton esprit avait notés. Bah ! Ce n'était pas comme si tu étais une personne réfléchie, réfléchie et intéressante. Alors tu continuas d'être un arbre, immobile, fixant la chose sans plus de cérémonie, tu l'avais juste vu prés d'un arbre que voulais arracher à sa terre. Il te parla, tes oreilles entendirent sans écouter, donc ta réponse fut seulement un haussement d'épaules. Mordant ta lèvre, légèrement, tu avanças d'un pas lourd, traînant ta jambe malade comme tu traînais le reste de ton corps. Ton corps... n'était plus qu'une chose, lui aussi, un outil de travail, sur lequel toute la cruauté humaine s'était défoulée. Les cicatrices zébraient ta chair, et sans cesse, on avait la sensation en te regardant que ton âme était partie de ton corps, et que ce dernier restait un amas de souffrance hurlant encore et encore. Mouillant tes lèvres, tu fis quelques pas, sentant à peine le froid, tu avais perdu pas mal de ça après la prison. Puis brusquement, tu t'arrêtas et te redressas légèrement, comme si la vie avait pénétré brusquement ta poitrine, et secouant la tête, tu posas de nouveau tes yeux sur la chose. Parti depuis un moment dans tes pensées, comme ça t'arrivait si souvent, tu t'étais rappelé que la chose t'avait posé une question. Tu posas une main lasse sur l'écorce abîmée du bois, et tu eus l'impression qu'on l'avait gratté, une autre personne avait commis un crime sur ce bois-là. Tu haussas les sourcils, enfin, très peu, mais tu les haussas.


— Hum... non... je suis menuisier.

Tu étais un simple menuisier, Asgeir, un simple citoyen qui se contentait de travailler le bois. Tu passas d'ailleurs ton index sur l'écorce du bois, laissant une trace de son passage sur ta peau, puis tu posas carrément ta main à plat. Seul toi devais le comprendre, mais l'arbre était animé, animé d'une âme bien particulière. Tu pouvais sentir sous ta paume toutes les vibrations et les rancoeurs de l'arbre, une âme qui tremblait, elle tremblait, comme si elle avait eu peur de toi. Ta main retomba alors le long de ta jambe, ton regard mort contempla le tronc épais et immense de l'arbre, il n'y avait que cet arbre-là qui pouvait te faire croire petit. Parce qu'honnêtement, Asgeir, tu tenais plus du géant absurde et grotesque que du simple citoyen. Dans un soupir, tu reculas et laissant tomber ta hache sur l'herbe humide, le froid caressant ta chair abîmée, tu répondis d'une voix lasse à la chose :

— Sans doute, je... ne sais pas.... comme Ishtar, je dirais.

La forêt avait toujours été là, elle restait la même que dans ton souvenir. Gigantesque, étouffante, sans le moindre cri animal, et pourtant si belle. Cette forêt te faisait en quelque sorte sentir chez toi, en même temps, tu ressemblais un peu trop aux arbres qui péniblement s'élevaient jusqu'aux cieux pour les cacher. Tu étais ridicule dans cette taille splendide et lourde, et plusieurs fois, tu oubliais la présence de la chose. Bah ! Tu remarquais peu les gens, habituellement, pourquoi ? Tout bonnement parce qu'ils ne rentraient pas tous dans ton champ de vision. Et quand bien même si c'était le cas, toi, tu restais dans ton monde, un monde fait de sève et d'écorce, un monde dont tu étais le seul jouet. Asgeir, et si tu te jetais dans les bras de l'Inquisition pour finir cette vie de chien ?
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Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] Vide
MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyDim 1 Jan - 12:43

Le silence lui parut interminable. Le géant paraissait absorbé dans ses pensées et allez savoir ce qui se tramait dans une telle carcasse... Mais silencieux, Freki jouait avec des brins d'herbe. Il fallait savoir ne pas trop parler. Savoir respecter des silences qui s'imposaient d'eux-mêmes. Entre les doigts, les tiges vertes se pliaient, se cassaient et ça continua jusqu'à ce que les jambes de l'inconnu attire son attention. À ses yeux, tout contrastait chez l'homme. Ses blessures, son attitude absente, sa silhouette, son allure imposante. Comme un enfant, il s'interrogeait à chaque rencontre, essayait de comprendre et de ne pas oublier. Chaque rencontre s'apparentait à un apprentissage dont les enseignements servaient avec d'autres personnes. Cependant le brun espérait rencontrer peu de gens ayant le même caractère. Son manque de sentiments apparent le perturbait... Moins que le regard qui s'était subitement posé sur lui. Ce simple geste lui donnait la sensation de bien exister. Une bonne ou une mauvaise chose ? Son oeil coula en direction de la main de l'homme. La discrétion devenait évidence. Si le géant ne liait pas sa présence aux traces sur le tronc, pas la peine de lui en donner l'idée. À la place, l'hybride scrutait un comportement à la limite de la communion avec la nature. Parlait-il à l'arbre ? Le touchait-il juste afin de chercher l'inspiration ? Peut-être que les menuisiers agissaient tous ainsi.

Freki se retrouvait au rang de spectateur troublé. À tel point qu'un sursaut anima son corps lorsque la hache tomba non loin. Sa main droite ramena sa queue contre lui comme si l'outil allait d'un coup l'attaquer. Sa tête se redressa légèrement afin de juger si une menace pouvait venir du propriétaire.

- T'es pas d'ici ?

De l'étonnement vibrait dans sa voix. Si la réponse du géant manquait de certitude, elle paraissait surtout venir de loin. Comme si à chaque fois, l'homme répondait en mettant un pied dans la réalité mais en gardait un dans son monde. On lui avait dit, une fois, que c'était le propre des artistes. Les menuisiers étaient-ils considérés comme tels ? Oubliant cela, son regard se focalisa à nouveau sur la hache. L'outil était loin d'être à sa taille. Le manche était trop long. La lame, large à son goût, devait être parfaite pour décapiter. À condition de faire ça d'un coup sec. Si on s'y prenait en plusieurs fois, ce serait bien douloureux pour la personne concernée, non ? À force de l'observer, la tentation de toucher ce qui ne lui appartenait pas se révéla bien trop grande. Ses mains finirent par se saisir du manche. Son corps se leva et ses pieds le firent reculer alors que l'objet finissait en l'air dans un soupir poussif accompagné d'un murmure.

- Ça fait le poids d'un mort...

Façon de parler. Freki n'avait jamais déplacé de cadavre. Cependant il supposait que bouger un macchabée demandait soit des muscles, soit de l'organisation. Dans les deux cas, ça se travaillait. La hache finit par être posée, la lame contre le sol, le brun prenant appui sur le manche dressé. L'arbre le narguait de toute sa largeur. Combien de temps fallait-il pour venir à bout d'un tel tronc ? Une heure ? Deux ? Plus ? Ses lèvres esquissèrent une moue pensive. Le propriétaire de l'outil boitait et son estomac risquait de se plaindre un peu plus tard. Peut-être qu'un moyen de faire une pierre deux coups se plantait devant lui. Sa conscience soufflait aussi que l'homme pouvait se blesser. Entre suer comme un porc et soutenir un tronc humain, son cerveau choisissait rapidement sa situation préférée. Bien sur, si quelque chose arrivait, rien ne l'obligeait à proposer son aide. Toutefois dans les deux cas, un petit bénéfice restait à la clé... Ce qui valait largement une bonne action. Après tout elle ne signifiait pas désintéressée ou gratuite, juste un échange de bons procédés où chacun en sortait gagnant.

- Je peux aider ? En échange un encas me suffit...

Son intonation transpirait l'assurance ainsi que la prudence envers le géant. Pour l'hybride, l'échec ne rentrait pas en ligne de compte. Surtout ne jamais penser de manière négative. C'était mauvais pour la digestion. Par contre se dépenser avant de manger était une très bonne chose. Même s'il risquait de finir par souffler comme un bœuf.
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Asgeir
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyDim 1 Jan - 14:06

— Hum...

« Hum... » fut ta réponse, ta seule réponse quand la bestiole te demanda si tu n'étais pas originaire de cet endroit. Tu gardas la main sur le tronc de l'arbre, sentant sous ta paume toutes ses douleurs, ses tourments, sa vie, et ses cris de peur devant la hache que brandissait la créature. Tu ignorais ce qu'il faisait, trop occupé à observer l'arbre, comme si ce dernier était un autre toi, encore plus grand que ta silhouette, encore plus grandiose que ta misère. Asgeir... aurais-tu le courage de planter la hanche dans cet arbre ? Cet autre toi qui s'étendait avec lourdeur jusqu'au ciel ? Masquant les nuages de ses branches épaisses et touffues ? Oserais-tu le tuer pour un morceau de son bois ? Avais-tu l'audace de l'arracher à sa terre ? Tu ne le savais pas, tu te sentais faible face à lui, tu étais déchiré entre ta conscience de travailleur, et ton âme... ton âme de quoi ? D'arbre ? Tu ne savais pas exactement, ton âme était juste tes souvenirs, ton chagrin éternel, et ta douleur face au monde. Haussant un sourcil, tu tournas la tête lentement vers la chose pleine de poil, vivante, vive et qui avait la curiosité d'un enfant. Tu ne pensas pas grand-chose de lui, la paume toujours posée sur l'écorce, tu ressentais un peu d'énergie, celle émanant de l'arbre. Seuls les hommes comme toi pouvaient la ressentir, elle te traversait sans violence, se déversant dans tes veines pour venir alimenter ton coeur d'un peu d'existence, toi qui le pensais depuis longtemps mort. Un frisson courra sur ton échine, et serrant les dents, l'arbre était-il effrayé par ta présence ignominieuse ? Tu ne savais pas, tu ne pouvais que sentir des frémissements te parcourir. Mordant tes lèvres, tu fronças les sourcils à la question du chien-homme, tu haussas les épaules et lentement, tu te dirigeas vers la hache qu'il tenait. Tes doigts se posèrent sur le manche, puis ils le serrèrent doucement, et la reprenant, tu poussas un soupir.

Mouillant tes lèvres, tu reculas un peu et la hache toucha l'arbre. Sans pénétrer l'écorce, elle retomba sur la terre, et semblant peser le pour et le contre, tu te tournas vers Freki que tu observas avec hésitation. Que lui dire ? Tu ne savais pas. Que faire ? Tu ne savais pas. Alors tu passas ta grosse main de travailleur dans ta nuque, tu avais mal au dos, et au cou.


— Hum...

Second « hum » de cette réponse, de quoi battre tes records en conversation. Grattant le haut de ton crâne, tu ne sus quoi répondre. La chose te proposait son aide, et ce... contre un peu de nourriture. Hum... avais-tu de la nourriture sur toi ? Machinalement, tu tâtas les poches de ton vieux pantalon de toile, tournant la tête vers le chien, tu remarquas simplement qu'il te restait un morceau de pain. Grimaçant, tu le retiras et le lui jetas sans accepter son offre. Tu étais ce genre de personne, Asgeir, généreuse, loin de penser à toi, et de tout donner aux autres. La chose semblait avoir faim, tu lui avais donné à manger, rien de plus naturel pour toi. C'était pourtant à cause de ta gentillesse que tu avais toutes ces cicatrices sur tout le corps, ce dernier était en réalité une oeuvre d'art de souffrance et d'existence minable. Tu avais perdu ta femme pour avoir aidé un enfant, tu avais perdu ta fille pour avoir donné la chance à un terroriste de survivre, et tu avais passé une quinzaine d'années en prison pour avoir été gentil. La vie aidait les forts, pas les faibles, la vie aimait les pervers, pas les êtres purs tels que toi. Toujours était-il qu'au bout d'un moment, tu te laissas tomber sur le sol humide, ta jambe cria sous l'effort, mais tu fis semblant de ne pas l'avoir entendu. Tu étais las, lourd, et tes muscles se déchiraient à la pensée que tu puisses oser abattre cet arbre. Tu posas une main sur la terre, le genou plié, tu posas un bras dessus et observas l'arbre dans toute sa grandeur. Pauvre arbre, magnifique arbre, tu ne savais pas ce que tu devais faire avec lui. Tu voulais travailler son bois, tu voulais posséder son essence, car tu voyais déjà ce que tu pourrais faire avec lui, mais tes mains tremblaient. Ton estomac se renversait à l'idée que tu puisses le faire tomber. Bougeant tes doigts paralysés par la douleur que tu serais susceptible de faire subir à cet arbre, tu secouas la tête, dépité, ton hésitation était palpable. Devais-tu lui faire du mal ? Mais avais-tu tant que ça l'envie de bâtir dans ce bois l'oeuvre qui s'imprimait dans ton crâne ?

Tu ne savais pas.

Tu étais trop faible.

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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptySam 7 Jan - 20:26

La communication lui paraissait brouillée. Non inefficace. Impossible. Ça ne le démoralisait... Enfin si un peu mais rien était jamais perdu. Il n'avait qu'à prendre tous les ''Hum'' pour des oui ou des non selon la situation et la question. Bien volontiers, Freki laissa la hache retourner dans les mains de son propriétaire. La différence entre leurs mains lui arracha un soupir à la fois inquiet et rassuré. S'il mettait une raclée, il devait être difficile de ne pas la sentir. Quoique l'homme ne devait pas être de ceux-là. Il était trop patient. Trop indifférent. Et puis sa seconde interrogation restait dans le vide, le frustrant d'une certaine façon. Moins que la réponse qui lui fut finalement donnée. Avait-il une tête à becqueter du pain ? C'était pour les bestioles à plume, ça ! Cependant, pour ne pas gâcher, il le ramassa. S'il n'avait pas d'utilisation immédiate, il pouvait en avoir une par la suite. Ses doigts se refermèrent lentement dessus, le compressant au sein de son poing. Son œil contemplait à nouveau le menuisier, s'attendant à une action. Une espèce d'élan fendant tel un éclair le tronc. Mais l'imagination travaillait bien trop par rapport à la réalité. L'homme finit à nouveau à terre. Le brun se sentait déçu comme un gamin qui se réjouissait bien vite de voir un tour de force. Doucement, il se rapprocha de l'imposante silhouette. Sa tête se pencha en direction du visage de l'homme. À la recherche d'une réaction, d'un sentiment quelconque. Il ne resta pas longtemps ainsi préférant se rapprocher de l'arbre.

Le morceau de pain dans la main droite, le sourcil gauche arqué, Freki fixa l'homme. Sa main gauche se leva et il se mit à gratter l'écorce. Les morceaux tombaient sur le sol alors que l'aubier commençait à apparaître. Une de ses griffes glissa sur la partie tendre de l'arbre. Sa main s'éloigna et l'hybride tourna le dos à son méfait ne se sentant nullement responsable. La passivité l'avait forcé à agir ainsi. Dans une de ses poches, le quignon fut glissé. Il l'émietterait pour les oiseaux en rentrant. Installé non loin du géant, après une seconde d'hésitation, le brun lui ficha sa queue dans le visage. Allez on se secoue. L'opération fut répétée une nouvelle fois, dans un mouvement plus vif puis il s'étala sur le ventre en soupirant. En réalité, l'envie de le secouer comme un arbre fruitier en espérant récolter quelque chose au passage grandissait en lui. Cependant l'homme avait l'air mal en point et on agissait pas ainsi avec un éclopé. À cet instant, une possibilité horrible le traversa. Se redressant subitement, le brun appuya son index contre le bras d'Asgeir. Sa tête se pencha et l'oreille dressée, il guettait sa respiration. Son buste se recula, ses jambes se croisèrent alors que sa tête basculait en arrière, cherchant désespérément un bout de ciel. Les mots lui venaient un peu n'importe comment et sortaient de cette même façon hasardeuse. Comme si embrouillé par la situation, la cohérence lui faisait défaut.

- Hm... si par hasard, mais tout à fait par le plus grand hasard, tu t'apprêtais à clamser, ce que je ne souhaite pas hein, je veux dire, faut jamais souhaiter ça à personne même si on passe tous par là, mais bref si ça devait être le cas... Tu pourrais prévenir avant ?

Histoire que d'un, il puisse se préparer psychologiquement, de deux, partir en catimini. Pas très charitable mais il imaginait très bien les problèmes lui tomber dessus, véritable raison derrière son absence de souhait. Si on le trouvait près d'un corps sans vie, on ne penserait sûrement pas à une mort naturelle en premier lieu. Il avait la gueule du crime. Et puis si c'était pas le cas, qu'allait-il faire ? Si l'homme était juste fatigué au point de ne plus pouvoir tenir debout. Aucune odeur ne l'avait interpellé. Aucun son ne leur parvenait. Personne n'était passé loin d'eux. Et si, d'une certaine façon, rien ne paraissait l'empêcher de partir, Freki se savait perdu au beau milieu de cette forêt. S'en aller seul revenait à mettre toutes ses chances de son côté pour se perdre un peu plus. Cette perspective lui arracha un soupir. Sa queue s'agita lentement dans l'air. Etait-ce l'heure de la sieste ? Le calme lui donnait envie de fermer les yeux, de s'étaler et de ne penser à rien. Il se frotta l'oeil tout en repoussant cette idée. Les yeux mi-clos, il observa le sol jusqu'à son regard se redresse et ne quitte pas l'autre être vivant.

Lorsqu'il y avait un trop d'agitation, il avait le sentiment que son énergie lui était pompée. Le calme, après l'avoir angoissé, lui rappelait les doux moments de repos. Quel était le juste milieu ?
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Asgeir
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptySam 28 Jan - 23:00

Tu ne réagis effectivement pas, lorsque la bestiole posa un doigt sur ton bras, trop concentré comme tu l'étais sur l'arbre. Tu ne bougeais pas plus que lui, le regard sombre, le visage taillé par un couteau complètement fatigué, tu ressemblais à un ancien bagnard qui attendait la mort, assis en pleine nature. Tes mains étaient posées sur la terre, l'herbe chatouillait des doigts de façon coquine, comme pour te secouer elle aussi, mais rien ne pouvait te faire sortir de ta nonchalance. Tu resterais mort, à l'intérieur en tout cas, bien assez surtout pour ne jamais réagir face au monde extérieur. Une fois, on avait tenté de t'agresser, une bande de petites frappes qui s'était amusée à frapper ton dos. C'était un jour pluvieux, tu t'en souvenais à peine, mais tu avais transporté d'énormes planches de bois sur ton dos, et quand ils étaient venus pourrir ta vie déjà minable, tu t'étais contenté de hausser les épaules. Un poignard ne parviendrait même pas à te blesser, il était impossible de transpercer ta peau, car elle était rigide comme l'écorce de cet arbre que tu hésitais à couper. Tes yeux sombres s'étaient arrêté sur lui, sur cet arbre superbe qui te mettait mal à l'aise. Pourquoi viendrais-tu briser sa beauté ? Ces racines qui prenaient naissance dans le sol, sortes de griffes qui s'enfonçaient dans la terre, et qui noblement, se rattachaient à un tronc épais et orgueilleux. Tu levas les yeux sur ce tronc, semblant voir en celui-ci ton propre torse que même une lame ne pourrait pas transpercer.

Ton regard caressa sa courbe vigoureuse, puis il remonta vers ses branches grosses comme tes cuisses qui brutalement, se dressaient vers le ciel. Tu levas légèrement la tête, entendant la voix de l'Hybride sans pour autant l'écouter, tu entrouvris la bouche. Sur ces branches insolentes, tu contemplas les feuilles émeraudes qui caressées par le vent se balançaient de droite à gauche, et de gauche à droite, frémissant, douces, fragiles. Elles étaient légion, vivant sur cet arbre, délicates, tu avais la sensation que si tu montais jusqu'à elle et que tu venais souffler dessus, elles se briseraient sous la puissance de ton souffle. Cependant, le front ridé, l'oeil inquiet, tu dévoras du regard la beauté de l'arbre. Incapable d'en déterminer la nature, tu avais peur de le blesser, tu avais peur de planter la lame de ta hache dans l'écorce, ce serait comme sentir qu'on te couperait un bras, à toi. Et voulais-tu donner cette souffrance ? Voulais-tu voir cet arbre tomber, faisant trembler ciel et terre ? Voulais-tu que les branches se brisassent devant tant de bestialité ? Asgeir, étais-tu un horrible personnage pour briser l'arbre ? Lentement, tu te rappelas que l'Hybride était toujours là, et qu'il t'avait posé une question, fronçant les sourcils, tu ne le regardas pourtant. Cependant, tu répondis de ta voix grave, mais sur un ton lointain, absent de ce monde :


— Hum... je le dirais, mais... je ne sais pas... comment on prévient.

Bah... tu n'allais pas te retourner vers Freki, et lui faire : « attention, je vais mourir ! ». Tu ne savais même pas ce qu'on ressentait, quand la mort venait rendre visite aux agonisants. Bien des fois, tu avais cru la frôler, et tu avais mêm espéré qu'elle vienne pour toi, c'était encore aujourd'hui le cas. Tu te rappelais encore trop de la souffrance que tu avais ressentie, quand tu avais vu ta femme morte, froide, tuée par un terroriste. Tu avais senti la vie la quitter, et ton coeur s'était serré brutalement dans ta poitrine, tu avais cru mourir. Et ce jour-là, la mort n'avait été qu'un commencement de douleurs, Vénus de calvaire, Éros de supplices. Tu n'avais pas pu lutter, tu n'avais même pas cherché à le faire. Donc, même si la mort était venue un bon nombre de fois te saluer, tu n'avais pas pu lui serrer la main, et tu ne savais pas exactement ce que ça faisait de mourir. Les fois où elle était venue te rendre visite, c'était à chaque fois lorsque ton corps avait été un amas de douleur, la chair un morceau de viande sur lequel les Inquisiteurs s'étaient amusé à battre. Tu avais su ce que c'était d'être un objet, au même titre du chien qui connaissait perpétuellement cette impression-là. Tu grattas la terre avec tes ongles, caressant l'herbe, mordillant ta lèvre, tu baissas les yeux sur ton énorme main de travailleur. Un frisson courra dans ton dos, trop puissant, trop brutal, ta main était celle d'un meurtrier. Et arracher cet arbre de sa terre, ce serait commettre le même crime des terroristes, tu ne voulais pas le séparer de cette forêt. Cet arbre, c'était toi.
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyLun 30 Jan - 20:04

Ça le dépassait totalement mais peut-être qu'avec un peu de concentration, il pourrait comprendre. Oui, se concentrer et faire preuve de patience. De toute façon, cette vertu, présente en faible quantité chez lui, se remplaçait par une sorte de bouillonnement intérieur. Les regards adressés à l'arbre commençaient à le rendre fous sans compter les longs silences, auxquels même en faisant des efforts, Freki ne s'habituait pas vraiment. L'intonation du géant apportait la touche finale. Soit c'était déjà un miracle qu'il réponde mais c'était quoi ce ton las de vivre ? Et puis ses paroles et son attitude se contredisaient. Oui, il lui avait demandé de le prévenir mais en réfléchissant bien, le brun le voyait plutôt mourir sans s'en rendre compte. Ça devrait être tout à fait possible pour quelqu'un qui paraissait dans la lune. Le problème se déplaçait ailleurs. Ses doigts le démangeaient et son cerveau refusait strictement de chercher à comprendre la situation. De toute façon, ça ne menait à rien. Pas grave, il avait d'autres idées en tête. Et posant ses mains sur les épaules du grand roux, le secoua vigoureusement. Tout en prenant soin de ne pas planter ses ongles dans la peau. Les cicatrices déjà présentes le dissuadaient d'en rajouter d'autres. Le mouvement cessa et Freki fixa l'homme. Etrange. Sa carcasse était plus légère que dans son imagination. Etait-ce une fausse impression ?

Vraiment un drôle type ce géant. Néanmoins Freki n'en avait pas fini avec lui. D'un pas rapide, son corps s'approcha de la hache. Cette fois-ci, l'outil fut soulevé avec moins de peine mais le vrai défi restait à venir. Ses pas l'emmenèrent de l'autre côté de l'arbre, derrière Asgeir. Cette place ne présentait aucun danger. Avant qu'il arrive à la moitié du tronc, la nuit aurait le temps de s'installer. Même en trouvant son rythme idéal, l'hybride ne se sur-estimait pas. Comme disaient de temps en temps les gens au sujet de leur activité : 'c'est un métier'. On ne s'improvisait probablement pas bûcheron.

— Et maintenant...

Que des mots murmurés à lui-même pendant un instant de réflexion. Ses yeux cherchèrent le meilleur point d'attaque. Il inspira un grand coup. Un bruit sec accompagna l'entrée de la lame dans l'écorce. Quelques morceaux tombèrent à terre alors que le brun la retirait. Les autres coups suivirent avec irrégularité. Parfois entre deux, un juron s'échappait. Mais il n'était pas question de cesser. Les sons devinrent petit à petit plus régulier. La lenteur entre chacun laissait supposer un manque d'acharnement dans l'exécution. Toutefois celui au bout du manche se demandait pourquoi il faisait ça. Et surtout, est-ce que ça avait au moins un effet ? Au bout d'un moment, les bruits cessèrent. Une respiration forte les remplaça apportant une autre ambiance sonore à cet endroit bien calme.

S'appuyant sur le manche, Freki attrapa le bas de sa tunique avec sa main libre. Son buste se pencha vers le tissu tiré. Il essuya son visage puis grogna. Un coup à avoir des crampes demain. Tout le corps travaillait avec un tel métier. Et que ne ferait-il pas pour un bon verre d'eau ? Un soupir accompagna cette envie. Il viderait une carafe à son retour. Pour le moment... Sa tête se pencha afin de guetter une quelconque réaction du géant. Sa bouche s'entrouvrit mais aucun mot en sortit. Il ferma les yeux en songeant qu'aucune parole ne servirait. Il devait attendre. Voir si un choc déclenchait quelque chose. Son comportement, ses regards montraient l'attachement de l'homme pour l'arbre. En abîmant, plus qu'avec des simples griffures, ce dernier, l'hybride avait le sentiment d'être une sorte de sadique. C'était pas ce genre de personnes qui détruisait ce qui était cher aux autres sous leurs yeux ? Enfin la fin justifiait les moyens et il était très loin de prendre son pied. Une douleur lancinante remontait dans ses bras. Sa mâchoire se contracta sous cette sensation désagréable. Pourtant il se remit à la tâche. Pourvu que ce soit viril à Ishtar de puer la sueur à plein nez, il risquerait de se trimballer avec cette odeur un moment...
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyMar 31 Jan - 19:24

La bestiole posa ses mains sur tes larges épaules, tu ne remarquas pas ses précautions pour ne pas enfoncer ses ongles dans ta chair dure, et tu te retournas à peine vers lui. Le regard vide, tu observais l'écorce de l'arbre, imaginant la vie couler dans les branches, tu levas les sourcils légèrement, songeant aux contrées utopiques qu'elle cachait et recouvrait. Au final, peut-être que l'Ombre ne te prendrait pas, et que lorsque la vie te quittera, tu deviendras un arbre pour toujours. Tu ne voulais pas le blesser. L'Hybride te secoua comme un prunier, tu n'eus pas la moindre réaction, tu avais appris à être traité comme une chose, et à ne plus réagir face à ça. Tu sentis juste la présence de Freki, mais tu te contentas d'ouvrir la bouche sans émettre la moindre protestation, et tu tournas la tête vers un oiseau qui s'était posé au loin. Ta jambe malade te criait sa douleur, un pli se forma sur ton front, et tu passas tes doigts sur ta cuisse, trop las pour te baisser et toucher ta cheville. Tu déglutis, et laissas venir les souvenirs sinistres de ton passé, les fantômes se glissaient contre toi, te murmurant des paroles aussi jolies que terribles. Tu observas l'oiseau qui sautillait sur ses deux pattes, il piaillait, et secouait la tête à la recherche d'un vers, son bec gratta la terre, et il bougea les ailes. Un murmure du vent le fit fuir, il ouvrit son bec et en poussant un petit cri apeuré, il s'envola pour disparaître derrière les feuilles.

Tu gardas le silence, oh... comme d'habitude, certes, mais disons que ton esprit s'était arrêté devant la contemplation de l'oiseau qui effrayé s'était enfui, cet endroit était si calme. Tu avais envie de céder à la tentation d'y rester pour toujours, affirmant à Freki de partir pour te laisser mourir dans cet endroit. T'allonger sous cet arbre qui te ressemblait, et attendre, attendre comme tu l'avais toujours fait. Tu ouvris la bouche, le regard perdu, tu levas les sourcils pour les froncer, et tu cherchas l'oiseau sans le retrouver. Et puis, brusquement, un bruit que tu connaissais trop bien explosa dans ton crâne. Un frisson courra dans ton corps, et tu te tournas vers l'arbre, pétrifié parce que tu étais en train de voir. Voilà que l'Hybride s'était saisi de la hache, et d'une main vigoureuse, de gestes brutes, il enfonçait la lame dans la chair de l'arbre. Tu sentis comme une griffure dans ton avant-bras, comme si on y laissait la marque de la hache, comme si en réalité, Freki la plantait dans ta propre peau. Tu fis un pas, levant la main, tu ne sus pas quoi faire pour arrêter ce crime, le chien était en train de détruire ce que tu avais hésité à détruire. Il faisait du mal à cet autre toi, il était en train de le blesser, et il allait le détruire ! Te détruire. D'un pas toujours boiteux, ignorant les cris de douleur de ta jambe malade, tu te dirigeas vers l'Hybride, réagissant toujours comme si ton corps pesait trois tonnes, tu n'étais pas léger, certes. Tes doigts se plantèrent dans l'épaule de l'animal, et exercèrent assez de pression pour arrêter son geste, peut-être que tu aurais pu lui broyer les os en serrant un peu fort. Tes muscles s'étaient contractés, et d'un regard brillant à la fois d'incertitude et de colère, tu murmuras :


— Non... il... il ne veut pas.

Qui ça... « Il » ? « Il » c'était qui ? C'était toi ? Ou bien parlais-tu à la place de cet arbre magnifique et malmener ? Tu gardas ta main sur l'épaule de l'esclave, refusant de la lâcher, tant qu'il n'aurait pas posé la hache. Mordillant ta lèvre, tu te rendis compte que soudain, tu étais devenu nerveux comme un enfant qui voyait ses parents se transformer en monstre. Tu ne voulais pas voir cet arbre souffrir, tu ne voulais pas ! Ce... ça t’horrifiait, c'était comme si les souvenirs de la torture remontaient, à chaque fois que tu posais tes yeux sur cette lame. C’était comme si à chaque fois, on enfonçait une aiguille dans tes nerfs, et qu'on cherchait à t'enlever quelque chose, comme si on ne t'en avait pas assez pris. Tu te rapprochas alors de l'arbre, et te plantas entre lui et l'Hybride, ta main ne quittait pas son épaule, mais tu lui intimas l'ordre muet de ne plus faire saigner l'écorce. Freki était certes un esclave, mais tu n'étais pas certain qu'il puisse faire le poids contre toi, s'il se mettait en tête de trancher cet arbre. Il avait des griffes qui pourraient te défigurer à vie, rien qu'en te frôlant, mais ton corps était un amas de muscles et de cicatrices, ton regard mort était lui-même une ode à la placidité sinistre d'un artisan.
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MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyVen 3 Fév - 19:52

Pas question de s'arrêter sans réaction. Allez encore un peu songeait-il tout en observant la lame percer l'écorce. Un bruit de pas parut confirmer, au moins, une réaction chez le géant, cependant son regard ne quittait pas l'entaille naissante. Son idée avait fonctionné, c'était déjà ça ! Mais en sentant une emprise ferme sur son épaule, un frisson inquiet le parcourut. Son mouvement s'arrêta, la lame en l'air prête à s'abattre. Risquant un coup d'oeil, Freki fixa l'homme. Alors il était capable de telles expressions. Lui qui avait semblé si détaché jusqu'à présent. L'ombre de colère faisait hésiter l'hybride. Après tout la masse musculaire proche l'incitait à réfléchir. Il ne nourrissait pas non plus une animosité particulière envers Asgeir au point de songer, un instant, à braver son ordre implicite. Enfin pour couronner le tout, l'enchainement des évènements était incertain et face à ça, l'inaction s'imposait comme un choix raisonnable. Et puis, les quelques mots prononcés tournicotaient sous son crâne. Pendant une longue minute, le brun se demanda s'il était entrain de tuer un animal ou tout autre être vivant. Le bon sens lui revint en se remémorant sa précédente tâche. Petit à petit, ses idées se remettaient en place. Il devait juste reprendre le fil...

—- Il ?

Comment ça il ? Un sourcil haussé, l'air dubitatif, Freki essayait de comprendre. Le géant n'était tout de même pas entrain de lui dire qu'il comprenait l'arbre ? Que ce dernier avait une âme, une conscience et une volonté qu'autrui devait respecter ? Il aurait pu poser ces questions mais l'expression du géant l'en dissuadait. Ses mains relâchèrent lentement le manche. L'hybride ne manifestait aucun désir d'en faire qu'à sa tête. Une pression dissuasive paralysait son corps. Ses bras semblaient oublier toute douleur sous le contact de cette main bien trop grande. Dépité, il lui était impossible de rendre la pareille. Debout les épaules de l'homme étaient inatteignables. Inatteignable comme celui se réfugiant dans son monde. Sa main libre passa sur son front, ses doigts le massant lentement. Pourquoi un homme dont le métier nécessitait de couper du bois agissait de manière aussi irrationnelle ? Son œil doré cherchait une réponse sur le visage du bûcheron. Il aurait pu lui arracher la hache des mains sans un mot mais il avait agi autrement, plus calmement. Si le brun ne
voyait pas ce que la plante représentait, il comprenait toutefois que Asgeir exprimait sa propre volonté. À sa façon de se comporter, on aurait même dit que sa vie en dépendait.

— Pourquoi... Pourquoi protéger cette vie ?

Autant prétendre que l'arbre se trouvait au centre des préoccupations. Si son intonation trahissait sa surprise, il n'attendait pas une réponse de son interlocuteur. La situation ressemblait davantage à un puzzle à résoudre ou à abandonner. À défaut de savoir quelle pièce convenait en ce moment, le brun souffla.

— Vivre ou mourir, faut bien choisir...

Un corps animé mais un regard presque de l'autre côté. Sa perception du géant lui arracha un sourire triste. Une vague affliction remontait à la surface. La souffrance et l'indécision le peinaient. Elles étaient synonymes de cette part enfouie quelque part dans son passé. De cette part qui lui donnait le sentiment d'avoir déjà existé avant de redevenir un livre vierge. L'attitude de ses anciens maîtres ou de leurs domestiques avaient renforcé cette impression. Se contentant de silences, il avait finalement tourné le dos à ces sentiments pour avancer. L'inconnu derrière lui l'inquiétait, comme si deux mains s'apprêtaient à l'entrainer dans une peine sans fin. Ses souvenirs d'hybride lui apportaient de la joie, même les plus douloureux. À côté de ça, la porte mystérieuse cachée dans sa mémoire ne lui porterait que le coup de grâce. Seul l'espoir qu'elle reste à jamais fermée lui importait.

La hache tomba lourdement sur le sol. Se défaire d'une façon ou d'un autre de la pression lui traversa l'esprit, pourtant son corps ne bougea pas.
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Asgeir
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Asgeir

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Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] Vide
MessageSujet: Re: Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki]   Le Chagrin est à l'âme, ce que le ver est au bois. [PV : Freki] EmptyLun 27 Fév - 23:40

« Non, il ne veut pas, il ne veut pas, il ne veut pas ! IL NE VEUT PAS ! »

Ta bouche était ouverte, Asgeir, et devant ton propre désarroi, tu restas muet. La main levée vers l'Hybride, tes yeux étaient écarquillés et posés sur l'arbre qui te murmurait des choses odieuses. Tu bougeas tes doigts de menuisier, comme pour te saisir de la hache ou pour toucher le tronc, mais tes jambes ne firent pas de mouvements. L'Hybride t'observait, sans comprendre ce qui se tramait dans ton esprit de fou, et toi, tu l'entendais. Tu ne voulais pas l'écouter, mais tu l'entendais te dire ces paroles terribles, tu ressentais dans tout ton être ses accusations, et tu ne pouvais rien faire. Ou tu ne voulais pas. Depuis longtemps, on t'avait arraché ton désir de te battre, depuis longtemps, on avait déraciné cette envie de vivre et on avait balancé le cadavre de ton espoir au bord d'un précipice. Il n'y avait plus le moindre salut pour toi, Asgeir, il n'y avait plus rien. Il te demanda pourquoi tu protégeais l'arbre, et affolé, paniqué par l'horrible discours que celui-ci te donnait, tu tournas la tête vers Freki. Ta face fatiguée, criblée de cicatrices, cachée par ta chevelure brune et grasse, était celle d'un dément qui commençait à comprendre que le monde tournait sans lui, et qu'il ne serait plus jamais le mettre de son propre destin.

Tu bougeas tes lèvres, mais de ta gorge, ne s'échappa que de l'air, pas de mots, pas de son. Ta voix était écrasée dans ta gorge, ton estomac était écrabouillé par le scrupule, et toi, l'Homme-Arbre, tu eus brusquement l'envie de vomir. L'arbre te parlait, chacun de ses mots était une lame chauffée à blanc qui s'enfonçait sous ta peau, et tu ne pouvais que te mettre à genoux pour le supplier de te pardonner. Cet arbre n'était plus toi, c'était le Tyran de toute ta vie qui t'avait griffé la chair, qui avait enfoncé ses ongles dans les yeux de ton essor, et qui avait dévoré avec une avidité malsaine tout ce que tu avais eu de bon en toi. Tu sursautas, et fis un pas en arrière, brusquement vivant, tu voulus échapper à tout ceci. Tu l'entendais, encore, encore, ENCORE ! Il te crachait des paroles abominables, il te rendait fou avec ses branches insolentes qui se dressaient dans le ciel, il te rendait malade avec ses feuilles vertes comme de l'émeraude, qui soudain, se muèrent en un million d'yeux qui te fixaient avec amusement. Un nouveau sursaut de ta part, et tu regardas Freki de ce regard de fou, tu te mis à trembler. Asgeir, toi, l'Homme-Arbre, tu tremblas de tous tes membres, face à ces yeux verts qui t'étudiaient, toi qui étais un rat pour eux. Ton énorme poitrine se souleva et se baissa, et bientôt, de la bave coula au coin de ta bouche. Ta gorge nouée, tu tentas de cracher la bile, mais rien ne sortit. Ta main griffa le tronc de l'arbre, et la tête baissée vers le sol, tu murmuras quelque chose comme :


— Pardon... ce n'est pas moi, je ne voulais pas ! Pardon !

« C'est toi qui l'as tué, n'est-ce pas ? Hein ? C'est toi qui avais prévu tout ça avec ces terroristes ? HEIN ? Regarde-moi quand je te parle, clébard ! »

Tu plantas tes ongles dans l'écorce, et un grognement sourd se fit entendre, venant de toi. Tes épaules se secouèrent, et tu te collas contre l'arbre, croyant échapper à ces yeux qui avaient remplacé les feuilles de l'arbre, et qui observaient avec mépris tes moindres mouvements. Tu crachas sur le sol, tu frappas ton crâne contre le tronc, et chancelant, tu finis par vomir tout ce que ton estomac avait. Une main sur ta gorge, l'autre appuyé sur l'arbre, tu déglutis et brutalement, tu fondis sur l'Hybride pour lui prendre la hache. Un mouvement qui te donnait l'air d'un taré, un mouvement qui te faisait oublier la douleur à ta jambe et tu te tournas vers l'arbre. Tu le fixas, toi, sorte d'ours en sueur qui l'écume aux lèvres, respirait fort, ton dos courbé te lançait. Tes mains tremblaient de trop, incapables de tenir cette hache, elles la soulevèrent pourtant. Un grognement bestial écrasa, tes tympans, et l'arbre te hurlait :

« Tu n'es qu'une merde ! Tu n'as pas le droit d'exister, qu'est-ce que tu fous ? Est-ce que tu crois qu'un rat a le droit de tenir une arme ? C'EST TOI QUI AS TUE TA FEMME ! AVOUE ! »


— Non ! Non... non... NON ! NON ! NON !

Et quelque chose dans ton esprit se brisa, pour de bon.

La hache fila dans l'air, mais avant de toucher l'arbre, elle s'arrêta brusquement. Les yeux toujours aussi fous, tu arrêtas de respirer, prenant soudain conscience de l'atrocité de ton acte. Tu jetas un coup d'oeil désolé à l'arbre, et sans te montrer capable de proférer des excuses, tu retournas la hache contre toi. Elle ne te blessa pas non plus, elle se contenta de s'écraser contre le sol, et toi, tu chutas à ton tour. Un bruit sourd retentit, et toi, l'Homme-Arbre, tu te retrouvas évanoui sur le sol.
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