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| Diantre, mais qui a mangé toutes les fleurs ? [Marquis] | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: Diantre, mais qui a mangé toutes les fleurs ? [Marquis] Dim 8 Juil - 17:14 | |
| Vingt-deux. Vingt-deux prêtres sont dans la bibliothèque depuis qu’j’suis passée y’a dix minutes. Donc trois de moins. Depuis la fenêtre du même lieu, j’peux voir aussi qu’il y a maintenant trente-six Ombreux qui s’entrainent dans la cour. Onze de plus. J’ai passé ma journée à faire ça, ouais. C’est pas super ludique, certes. Mais maintenant j’peux annoncer fièrement mon pronostic : les petits sbires d’Uriel privilégient l’entrainement très tôt le matin et en fin d’journée. Le reste du temps, ils s’établissent dans la cathédrale, ou le nez plongé dans les bouquins d’la bibliothèque. J’pousse un énième soupir, accoudée au rebord de la grande vitrée, attirant au passage quelques regards désapprobateurs. Ces fichus prêtres peuvent pas s’empêcher d’être méfiants ; avec beaucoup trop d’exagération. Depuis qu’j’ai mis le feu à leurs étagères malencontreusement, on pourrait croire qu’ils s’attendent qu’le moindre éternuement irait jusqu’à provoquer une explosion digne de l’attentat du Sénat. Ce monde est bien curieux. Pas un instant j’n’aurai pensé que les fiers représentants de l’Eglise, accorderaient un jour un peu d’crainte à un spécimen de mon acabit. Ma foi, enfin un truc drôle, au moins. J’fini par rejoindre les couloirs menant à ma chambre, avec la désagréable et récurrente sensation d’avoir perdu ma journée inutilement. J’pousse le battant menant à mon p’tit chez-moi. - … Ingell, non ? C’est pas ça, son nom ? Cet informateur connu ? Mon cœur rate un saut, tandis qu’ma main maintient la porte semi-ouverte. Deux prêtres longent le couloir, passant juste derrière moi tout en continuant leur progression. Bah, j’ai cru comprendre qu’il était mort dans l’explosion du Sénat. Pourquoi, tu le cherchais ? Ah ah… Laisse t… Avant même d’m’en être rendue compte, j’suis déjà dans ma piaule, adossée contre la porte close. Mais qui est ce con ? Parler avec autant d’désinvolture d’Ingell, c’est… ça devrait pas être permis, puis ça m’donne des envies peu recommandables. Comme d’aller lui casser la gueule sans même entendre c’qu’il a à dire pour sa défense. Mais j’écarte les pensées pleines de haine, pour l’instant, et préfère mettre le nez dans mon placard. Au pied des quelques robes faites sur mesure, j’ai pris soin il y a longtemps, de conserver quelques éléments importants. Du moins, à mes yeux. Quand ces derniers s’posent d’ailleurs sur la casquette bleu marine d’Ingell, j’esquisse un sourire. La journée n’va quand même pas s’achever comme ça ! C’est sur cette pensée qu’j’enlève dans ma hâte ma robe beige, et enfile un short et une chemise bleue : une de celles que j’avais piqué à mon défunt maitre pendant qu’il était trop occupé à vadrouiller. Pour la touche finale, j’enroule mes ch’veux sur eux-mêmes vers le haut d’mon crâne, avant de glisser la casquette sur ma tête. Comme ça, j’ai sans doute l’air d’un jeune garçon. Bien sûr, je reste pied nus. On n’perds pas les vieilles habitudes. Pas chez-moi en tout cas. Dans tous les cas, j’me fais pas longue pour sortir de la bâtisse, et m’retrouve rapidement marchant à vive allure dans la capitale. Direction : le cimetière. Y’a plus sympa comme endroit pour finir la journée, c’est sûr. Mais j’ai pas dit qu’j’voulais rattraper cette journée d’merde en m’amusant de tout mon saoul. J’suis pas une enfant joviale, moi. J’suis juste curieuse. Curieuse de savoir si Ingell est enterré à la capitale, ou si personne n’a jugé nécessaire de lui faire grâce d’au moins une petite place parmi les défunts d’cette ville ingrate. Je jugerai alors si Ishtar et ses habitants sont dignes ou non d’remonter dans mon estime. On m’accuserait sans doute d’une prétention déplacée si j’évoquais cette dernière phrase en public. Mais personne n’est prêt à échanger la parole avec moi, d’toute façon. Et là, un détail se pose : mais où est-donc ce cimetière ? Je fonce tête baissé dans les rues, moi, mais j’ai pas une seule foutue idée de l’endroit où il pourrait s’trouver ! Réflexe instinctif, j’m’informe auprès d’la première personne que j’croise. - … Il faut sortir un peu d’la Capitale, tu vois ? Une dernière chose, mon p’tit gars... Le vieux monsieur m’regarde comme si il m’voyait pas. Fais gaffe à ta fraise, on sait pas c’qui pourrait errer entre les tombes, ah ah ah ! Son rire s’termine sur une quinte de toux grasse. J’m’éclipse lentement, dubitative. Mais d’où il sort, ce papi ? Comme si j’étais du genre à avoir la frousse. Tsss ! J’crois bien qu’j’ai mis une dizaine de minutes, avant d’arriver enfin devant l’portail rouillé du cimetière. J’suis venue à coup de grandes enjambées, et l’soleil est toujours dans l’ciel. Il reste sans doute encore une bonne heure avant qu’il fasse nuit. Ça tombe plutôt bien. Bien, il m’reste plus qu’à arpenter la zone, à la recherche d’une tombe portant le nom qui m’tient tant à cœur. Y’en a tellement, j’espère que ça va pas m’prendre trois heures ! * … Ça doit faire déjà vingt minutes que j’traine des pieds. Je soupire. Pourtant, j’ai éliminé d’office les grosses tombes bien ornementées. J’mettrais ma main à couper qu’elles sont destinées aux nobles. Même dans la mort, ils sont privilégiés. C’est dingue, quand on y pense. J’veux dire, une fois qu’t’es mort, bah… J’pense pas que la taille, la forme ou la couleur de ta pierre tombale te soit d’un grand réconfort. M’enfin, c’est pas l’sujet. Pour faire une pause, j’m’assois sur un muret en pierre, qui délimite les allées. Ya pas un chat. Les gens doivent craindre les cimetières, en fin de journée. Les légendes sur les morts revenus à la vie, tout ça, ça fait fureur dans l’milieu urbain. C’est complètement con… N’importe qui pe… Ah ! J’ai entendu un bruit ! Sérieux ! Le vieux il parlait d’quoi déjà ? De trucs qui errent entre les tombes ? Mais quoi ? Il m’a pas dit quoi ! Du coup j’ai quitté l’muret, et j’suis en plein milieu d’une allée. Ma tête pivote nerveusement de droite à gauche. Ça s’rait quand même pas… un mort ? J’ramasse un gravier. On sait jamais ! - Q-Q-Qui- Qui est là ?! Grand silence. Les bruits s’accentuent. Des… Des pas ? Quelque chose, quelqu’un arrive ? - R-R-R-R-RESTEZ OÙ VOUS ÊTES ! Ouha. Quel charisme. |
| | | | Sujet: Re: Diantre, mais qui a mangé toutes les fleurs ? [Marquis] Jeu 26 Juil - 22:10 | |
| Chaque année, Cecil feignait de ne pas s’en souvenir. Toujours, il attendait que Victoire lui glissât un mot dans l’oreille. Alors, il y répondait négligemment, l’air de n’avoir pas de temps à perdre avec le passé. Sa tendre cousine n’ignorait probablement pas qu’en réalité l’échéance se rappelait à lui sans qu’il n’eût besoin de mémento, pourtant elle consentait avec délicatesse aux puérilités orgueilleuses qu’une déception profonde seule pouvait engendrer chez lui. C’étaient là les séquelles d’un coup porté par l’existence et qui n’avait, croyait-il, pas réussi à le blesser.
Alistair n’avait pas voulu sa place au cimetière et ne la devait qu’à Francis, dont la colère d’avoir si sottement perdu un ami cher grondait encore et tonnait inlassablement contre Cecil qu’il avait toujours estimé responsable, sans jamais lui pardonner ; par impuissance ou à raison, lui-même préférait l’ignorer. Le Marquis l’acceptait sagement et semblait ainsi payer sa dette à l’amitié. En apparence, ils avaient tous deux amoindri l’affliction dans laquelle les avait jetés la mort d’Alistair et s’en protégeaient mutuellement en se taisant. Dès qu’il s’agissait de lui, les deux hommes, comme par pudeur, ne se connaissaient plus.
Par conséquent, Cecil se recueillait à présent sur la tombe de son ami, seul et le cœur un peu froid. Il consommait sans répugnance l’ironie du temps qui avait effacé jusqu’à ses sentiments pour lui. Aujourd’hui, l’unique être qu’il aurait été en mesure d’aimer avec constance ne représentait plus qu’un échec, le plus grand, le seul peut-être. Le divertissement, le plaisir, rien n’avait su le détourner tout à fait des réflexions existentielles sans issue ; par leur gravité, elles avaient irrémédiablement gâté son âme. Ainsi, plutôt que d’incarner au mieux la philosophie de son siècle, Alistair s’était livré à un suicide spirituel fort regrettable et ô combien inutile, qui avait tout au plus fait de lui la triste allégorie de ce que le sérieux pouvait avoir de mortel.
Intimement, le Marquis ne cessait de le lui rappeler. Mains dans le dos, menton et paupières baissés, il lui disait en silence que les salopards vivaient toujours, et que les philosophes devenaient obèses de chimères à n’en plus pouvoir avancer ; que sous l’ombre griffue des mains ecclésiastiques, ils s’obstinaient à n’employer que les mots comme si les diverses autorités n’en avaient elles-mêmes ni l’usage, ni le secret ; qu’en somme, le dérèglement l’emportait encore sur la morale, la permanence sur le changement. Cecil n’avait toutefois pas la mesquinerie de s’en réjouir ; au fond, que les années eussent jusque-là persisté à lui donner raison tenait plus du drame que de la rémission ; mais il ne plaignait pas pour autant ceux qui n’avaient su s’adapter.
Désormais, quoiqu’il éprouvât un grand vide intérieur en songeant à son compagnon, les soupirs de douleur et de lassitude ne le déchiraient plus. Il affichait au contraire un sourire légèrement ironique qui lui donnait l’air de s’en être remis, et savait un gré infini à ceux qui affectaient d’y croire avec lui.
Le Marquis considéra pensivement le bouquet de roses bleues qu’il avait déposé au pied de la sépulture, puis le jour qui déclinait. Il se sentit sur le point de prendre de l’âge et jugea bon de partir sans un regard en arrière pour se soustraire au regret. La solitude ne lui seyait guère.
Le cri sinistre du gravier sous ses bottes finit par en provoquer un autre. Il continua pourtant d’avancer, et dès qu’il fut certain d’être l’homme à qui l’on s’adressait, leva les mains en signe de paix. Son haut-de-forme et son habit ne pouvaient tromper : il n’était qu’un imbécile d’aristocrate qui avait eu le mauvais goût de déranger les morts au lieu de festoyer grassement dans la sueur de ses semblables. Bientôt, la froideur impudique et rieuse de ses yeux gris fondit à la flamme ambrée qui luisait vers lui ; la physionomie, qu’il ne pouvait examiner à son aise pour le moment, lui parut agréable et le fit sourire. Ni la tenue ni la coiffe ne contredirent la voix éminemment féminine qu’il venait d’entendre ; mais qu’il eût en réalité affaire à une garçonne lui importait bien peu. Il s’étonnait par contre de ce qu’elle marchait nu-pieds en dépit d’une mise visiblement propre. Cependant il n’en perdit pas son sourire et, pour achever de dissiper l’effroi qu’il lui avait causé, s’enquit facétieusement :
— Puis-je bouger à présent ? Du bout de sa botte, il fit doucement rouler vers elle quelques graviers. Voyez, je vous fais même don des cailloux à mes pieds, si cela peut vous rassurer. Oui, il se moquait. Mais très gentiment, n’est-ce pas. Que craigniez-vous, exactement ? demanda-t-il encore. Les morts ? J’ai bien peur que vos hurlements ne les aient réveillés, maintenant. |
| | | | Sujet: Re: Diantre, mais qui a mangé toutes les fleurs ? [Marquis] Dim 29 Juil - 16:45 | |
| Mon cœur bat à tout rompre. Quelle connerie ! C’est moi qui vient d’crier comme une poulette de basse-cour ? Héééé mais depuis quand j’ai la voix aussi évasive ? J’ai l’impression qu’le temps s’est suspendu une bonne dizaine de secondes, depuis qu’j’ai commencé à paniquer pour des raisons… totalement superflues. Des revenants ? Des morts ? Est-ce que les défunts font leur promenade nocturne dans les allées des cimetières, histoire de s’dégourdir les jambes ? J’en doute. En tout cas, c’est pas un mort qui m’a fait pousser un cri d’donzelle ; c’est juste un abruti qui a rien trouvé d’mieux à faire que d’pointer le bout d’son nez par ici, au moment où il fallait pas. Un abruti bien habillé, forcément, histoire d’illustrer un peu l’contraste entre nos deux classes sociales. Faut pas être une lumière pour deviner l’origine de sa prestance de bourge. J’crois qu’j’ai eu une mine totalement déconfite, marquée par un ingrat mélange d’effroi, de surprise et d’soulagement. Il m’faut alors pas plus de deux secondes pour secouer la tête, et reprendre par là même une expression un peu plus présentable.
Bien sûr, il m’semble important d’préciser à quel point la suite s’annonce mal partie. J’suis vraiment pas une fille chanceuse : et ce mec non plus. Pourquoi ? En l’espace de quelques minutes, ce type vient d’faire deux erreurs : me flanquer une frousse monumentale, et en plus, s’payer ma tête ! Non mais j’y crois pas ! Il m’a envoyé des p’tits cailloux avec sa chaussure ! Il.. Il.. Il m’prend pour une clocharde ? Il croit que j’mange ça, les graviers ? Il s’croit malin ? J’le fixe, dubitative, et déjà très agacée.
- Des… Des morts ? Humfh ! J’ai l’air aussi naïve… ? Une fois qu’on est six pieds sous terre, on s’relève pas ! C’est juste des mauvaises histoires pour faire peur aux enfa… Aah !
J’l’ai pas vu venir, celle-là ! Il a fallu juste une minable seconde pour qu’une bourraque se lève, et j’me surprends accroupie, les mains dans mes cheveux lâchés… Mes cheveux lâchés ?! J’crois que j’ai failli me dévisser la tête en étudiant fougueusement les alentours à la recherche de ma casquette envolée. La casquette d’Ingell ! La casquette d’Ingell… est au pied de Monsieur J’me la joue. Non mais quelle poisse ! Me relevant lentement, je fixe l’homme d’un air de défi. Pendant qu’mes pieds me conduisent machinalement dans sa direction, j’ai l’temps de m’dire qu’il est quand même bel homme, et qu’un type d’son acabit mange sûrement du bronze au p’tit déj, de l’argent pour l’déjeuner, et de l’or à l’heure du dîner. Encore un bonhomme qui s’trouve à des années lumières de ma vie d’non existence.
Aussitôt arrivée à deux pas de lui, j’fini par lâcher son regard pour récupérer ma casquette qui git à ses pieds. Celle-ci toujours en main, j’dévisage de haut en bas le nouveau gêneur. P’t’être qu’il mange du platine au dîner, tout compte fait. J’aborde une mine super agacée, celle que j’fais le mieux.
- Si vous n’avez rien d’mieux à faire que d’chasser les fantômes, rentrez chez vous ! Qui vous dit qu’j’ai pas pour projet d’vous dépecer comme un lapin, là maintenant ? J’pourrais p’t’être vendre votre peau ou en faire quelques mitaines. La peau d’noble, ça doit sentir la rose ou quelque chose du genre, non ? Et vos dents c’est du diamant ? En tout cas, si c’est pas moi qui m’y colle, j’suis sûre que d’autres s’en occuperont bien assez tôt.
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| | | | Sujet: Re: Diantre, mais qui a mangé toutes les fleurs ? [Marquis] Dim 2 Sep - 23:06 | |
| Cecil, lui, conserva une expression égale, mi-amusée, mi-curieuse, comme l’on méprisait ses petits cailloux. La jeune fille se rappelait-elle avoir été sur le point de lui jeter l’un d’eux pour, supposait-il, se défendre de l’hypothétique menace qu’il représentait alors ? Qu’il n’eût en réalité rien d’un mort semblait avoir tout balayé ; tant mieux. Inconscient toutefois, il se félicita de l’avoir agacée en considérant l’adorable attitude de fauve indompté qu’elle lui opposait avec… plus ou moins de crédibilité.
La bourrasque qui hurla soudain comme pour la contredire couvrit fort heureusement le murmure de son rire attendri. Sans frayeur, il avait aussitôt porté une main à son haut-de-forme afin qu’il ne tombât pas ; le bas de son jabot en revanche, échappé de la broche qui le maintenait, lui fouetta si bien le visage qu’il ne remarqua pas immédiatement la casquette à ses pieds ; écartant machinalement sa barbe de dentelles, il ne vit que la flamme ondoyante d’une longue chevelure se découpant dans les grisailles du cimetière, et en fut un court instant fasciné.
Un mouvement et un regard farouche finirent néanmoins par rompre le charme ; alors, baissant les yeux à son tour, Cecil comprit. Patiemment, il attendit, regardant la jeune fille approcher sans chercher à adoucir le pli narquois qu’il sentait poindre au coin de ses lèvres. La galanterie eût préféré qu’il fît un geste, qu’il s’empressât de restituer le couvre-chef, cependant il eût ainsi risqué de l’effrayer davantage, et sa courtoisie eût à coup sûr passé pour de la brusquerie – évidemment ; en d’autres termes, il se maintint immobile par la seule force de son absolue mauvaise foi.
Après avoir tranquillement soutenu leur contact visuel, il ne put s’empêcher d’accueillir leur proximité par un sourire faussement candide. Il dut incliner le menton pour mieux l’observer – avec une insistance déplacée qu’il ne détourna pas lorsqu’elle se baissa pour récupérer sa casquette : il lui parut que l’on avait finement découpé son nez, sa bouche, sa mâchoire dans la même courbe mutine ; et ce fut en poursuivant l’examen, pour retrouver ailleurs cet arrondi espiègle et rebelle, qu’il aperçut le collier. Celui-ci, outre d’affligeants froufrous, portait des armoiries on-ne-peut-plus identifiables qui firent bondir ses sourcils d’hilarité. Le hasard l’enchantait définitivement.
Pendant que la jeune fille exprimait son mécontentement, Cecil dut se mordre la lèvre inférieure pour ne pas céder à l’envie de glousser. Bien sûr, il pouvait à présent lui supposer une force largement supérieure à la sienne et admettre qu’il méritait une bonne correction, toutefois, s’il avait récemment eu peur, très peur d’une immense panthère noire, il se sentait tout bonnement incapable de perdre contenance devant une jolie flamme qui, selon toute apparence – et c’était bien son erreur que de s’y fier, reconnaissait-il à part lui – semblait plus prompte à craindre les morts qu’à le brûler. Il feignit donc d’assombrir son sourire par un embarras qu’il n’éprouvait point et entreprit, tandis qu’il l’écoutait, de rajuster broche et jabot. Il lui fut très difficile de garder son sérieux ; en fait, il n’y parvint tout simplement pas.
— Oh ! mais j’avais précisément l’intention de rentrer chez moi, assura-t-il en joignant sagement les mains sur son abdomen. A ma décharge, c’est vous, Mademoiselle, qui jusque-là m’en empêchiez. Il eut un long sourire d’emmerdeur et cilla lentement avant de poursuivre, les yeux arrêtés sur le collier. Quant à vos éventuelles intentions, elles sont assurément charmantes et louables, toutefois je ne savais pas à son Excellence tant d’égards pour moi ; et je m’étonne du reste qu’en de si bonnes mains vous ignoriez encore ce qu’exactement sentent les nobles. Lui puait l’ironie, et le sourire diamantin qu’il offrit à la jeune fille en fut un signe éclatant. Comme je m’étonne de votre présence ici, dit-il encore. Poursuiviez-vous un être cher ou flâniez-vous seulement ? A moins que vous ne creusiez la tombe de quelqu’un ? Vous ne cèderez pas, j’espère, à la facilité de me répondre : « La vôtre. » Son regard s’embellit alors d’une douceur amusée, sa bouche d’une gentillesse presque affectueuse. |
| | | | Sujet: Re: Diantre, mais qui a mangé toutes les fleurs ? [Marquis] Dim 2 Déc - 19:10 | |
| J’n’ai jamais aimé m’sentir bête. Et pourtant, inévitablement, ça m’tombe dessus à chaque fois ! Un peu comme une punition venue d’on n’sait où, il faut toujours que j’agisse d’la manière la moins appropriée ; et la plus stupide. Bien sûr, j’ai cru bon d’avertir cet inconnu scandaleusement apprêté, qu’ici, c’est pas l’bal de Michel, et qu’si son passe-temps favori est de jeter des p’tits cailloux, il peut encore faire demi-tour. C’est bien sûr sans compter sur l’intervention ô combien ironique d’une brise moqueuse, qui achève avec une grâce royale de dissoudre les vestiges d’ma dignité. Bien sûr, j’commence à pester en sentant un regard trop curieux posé sur moi, alors que j’ramasse mon précieux couvre-chef. J’arque un sourcil, tout en me redressant, et plonge mon regard dans celui de l’inconnu. Le dit regard n’étant d’ailleurs pas à la rencontre du mien, mais plutôt posé sur ma poitrine… ou mon cou ? Mes yeux suivent les siens, et nous nous r’trouvons tous deux à loucher sur mon collier, cette espèce d’abomination témoin du jeu fourbe auquel le Haut-prêtre et moi nous sommes adonnés, clôturant par-là ma défaite et ma captivité prolongée.
J’suis sur le point d’ouvrir la bouche, d’intimer à ce bel oiseau de reconsidérer sa façon de m’dévisager, et le voilà qui m’prend de court. Je l’écoute, presque attentive, tandis qu’il me noie dans son flot de belles paroles et de jeux d’mots qui n’m’arrachent que des grimaces agacées. Mais c’est qu’il s’moque de moi, en plus ! Le… crétin !
- Je n’m’abaisserai pas à une telle malice ! Bien que l’idée m’ait vaguement effleurée, entre nous. J’esquisse un faux sourire. Mais… Je n’suis ni en train de flâner, ni même en quête d’un être cher. A dire vrai, mon grand, mon illustre maitre, m’a investie d’une mission un peu particulière. Mais, me voilà prise la main dans l’sac ! J’hausse les épaules, d’un air faussement décontenancé. Je suis en filature, voyez-vous. Je vous ai suivi jusqu’ici ! Si mon maitre apprend mon échec… je… Et m’voilà le visage entre les mains, imitant une pauvre bougresse larmoyante. Bien sûr, entre quelques soubresauts, j’écarte un peu les doigts histoire d’apercevoir une quelconque réaction chez le grand cygne.
J’ai bien failli m’mettre à glousser bêtement et me compromettre en un temps record, mais quelques éclats de rire gras m’ont devancé. Bien sûr, j’ai levé la tête et mis machinalement un terme à toute cette mascarade – et j’dois dire qu’en temps normal, mes talents d’comédienne volent bien plus haut qu’ça. Un bruit de gravier dos à moi m’fait tendre l’oreille. J’expire, reposant la casquette sur ma tête dans un geste lent.
- Bon sang mec, c’qui qu’a eu l’idée d’défaire des tombes alors qu’la lune est pas tombée ? - C’est toi, gros lourd ! - Moi ?! Certain’ment pas ! - C’est toi, Jo ! - Bref, c’pas l’sujet ! Regarde, ya deux gusses. On fait quoi ? On les ignore ? - Bah j’sais pas, regarde c’lui-là, on dirait qu’il vaut un sacré pactole ! Et l’autre, c’est… une gamine ?
Instinctivement, j’ai mordu ma lèvre à l’audition du dernier mot. J’dévisage le grand cygne. J’en connais un qui va avoir des ennuis. Les graviers crissent sous les pas bourrins des deux nouveaux arrivants. J’pousse un soupir de lassitude, sans prendre la peine de m’retourner pour leur faire face. J’enfonce un peu plus la casquette sur ma tête, et fais quelques pas sur l’côté. Après tout, ça n’me concerne pas.
- Et bien et bien, on est perdu à c’que j’vois ! - On dirait bien hein ! - Regarde Jo, ça a l’air d’peser lourd, c’tissu la ! - Et mon gars, ça t’dirai pas de partager ?
Le grand cygne va se faire déplumer – sans mauvais jeux d’mots. Et moi, j’aurai qu’à m’contenter des restes.
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